Nouveau gouvernement, passerelle entre la Macronie radicalisée et l’extrême droite, bâti sur les cendres de ce qu’il reste de la droite française. Près de 40 membres, il fallait bien un ou une ministre du Logement tout de même, poste qui fut souvent oublié ces dernières années, c’est chose faite avec Valérie Létard. Une nomination qui semble donner un peu de réconfort au secteur, tant on revient de l’enfer avec M. Kasbarian, et on a échappé au pire avec la nomination de Jean-Luc Moudenc. La politique de logement de ce dernier à Toulouse mériterait un billet à part entière, je m’en occuperai le moment venu. Il faut dire que M. Moudenc a l’avantage d’être davantage parisien que toulousain, lui qui occupe un emploi de complaisance à Bercy depuis une décennie. Ceci est une autre histoire, revenons à notre nouvelle ministre Valérie Létard. D’une droite dite sociale, espèce que l’on croyait définitivement éteinte, proche de Jean-Louis Borloo, nous allons attendre de juger sur pièce sa politique. En attendant, voici l’occasion alors que s’ouvre ce mardi 24 septembre le Congrès HLM, de faire un tour du paysage dévasté dans lequel se trouve le logement public aujourd’hui.
Rappelons que la crise du logement est une réalité en France, à tel point que la FAP qualifiait cette situation de « bombe sociale » dans son rapport publié en début d’année. Ceci est le résultat de 30 ans de mauvais choix politiques et des logiques néolibérales, processus aggravé par l’accession au pouvoir d’Emmanuel Macron en 2017. Les décisions concernant le logement témoignent d’un désengagement croissant de l’État alors que les besoins se font plus forts chaque année.
Les politiques publiques et dispositifs législatifs mis en place ces dernières années l’ont ainsi été dans une logique de marchandisation et de véritable guerre menée aux plus précaires.
Selon l’USH, le nombre de demandes de logements publics non pourvues s’élevait à 2,6 millions en 2024, un chiffre record en augmentation de 100 000 demandes en une année. Cela correspondait à 1,8 million de nouveaux demandeurs et 870 000 déjà logés et en attente d’un nouveau logement. Il faut dire que l’État n’a donné son agrément qu’à la construction de seulement 82 0000 nouveaux logements publics en 2024, contre 120 000 cinq années auparavant. Le gouvernement prend des mesures à rebours des besoins populaires. Christophe Robert, le délégué général de la FAP, parlait d’une politique « marquée par le sceau de la rigueur budgétaire ».
Lors de son discours de politique générale le 30 janvier dernier, l’ancien Premier ministre Gabriel Attal annonçait ce qui n’était ni plus ni moins que le détricotage de la loi SRU, avec l’intégration d’un quota de logements intermédiaires pour les classes moyennes hautes. Il faudra voir ce qu’en dit Mme Valérie Létard. Pour rappel, la loi SRU oblige les communes de notre pays à intégrer 25% de logements publics dans son parc locatif. En intégrant cette part de logements intermédiaires, c’est toute la vocation sociale de la loi qui est remise en cause, car il n’y a pas de conditions de revenus pour y habiter. Dans ce même discours, Monsieur Attal annonçait vouloir impulser un « choc d’offre », démontrant une fois de plus la profonde déconnexion avec les problématiques rencontrées par les citoyens.
Selon un rapport parlementaire, le Projet de Loi de Finances 2024 ne prenait pas en compte les urgences rencontrées par le secteur du logement ; le manque drastique de construction de nouveaux logements publics, la baisse de pouvoir d’achat des ménages (un quart du budget des ménages est lié au logement) et le manque de moyens des bailleurs sociaux. Leur trésorerie a ainsi été ponctionnée de 1,4 milliard d’euros en 2024 selon un rapport de la Cour des Comptes, ce qui a eu un impact négatif sur l’entretien et la maintenance des logements.
L’ancien Ministre du logement, Patrice Vergriete, avait promis en clôture du Congrès HLM d’octobre 2023 une enveloppe de 1,2 milliard d’euros sur trois ans pour rénover le parc social. Finalement, cette enveloppe budgétaire a été gelée de moitié en juillet, sans débat préalable, par Bruno Le Maire, alors ministre démissionnaire de l’Économie et des Finances, déplore Emmanuelle Cosse, présidente de l’USH. Au lieu de donner des moyens financiers aux bailleurs sociaux, de rénover les copropriétés et d’augmenter le nombre de constructions, le Gouvernement a préféré se dédier à ce qu’il sait faire de mieux : criminaliser les plus pauvres de ce pays.
Au printemps, M. Kasbarian, le ministre Cnews démissionnaire du Logement, a présenté un projet de loi particulièrement inique et offensif à l’égard des locataires de logements publics. Ce projet de loi entendait criminaliser les personnes et familles qui, faute d’hébergement d’urgence, trouvaient refuge dans un logement inhabité ou un entrepôt désaffecté.
Il était également prévu d’accélérer les procédures d’expulsions et de freiner le travail des associations venant en aide aux personnes, avec la création d’un nouveau délit de propagande. À l’heure où des millions de demandes d’hébergement restent lettre morte, le Ministre démissionnaire n’annonçait aucune augmentation des dépenses publiques, préférant criminaliser le mal-logement en détournant le droit de propriété.
Le droit au logement est un droit inaliénable, et son accès devrait être possible pour toutes et tous. Sans un logement décent, impossible de continuer des études sereinement, de trouver un travail, d’accéder aux réseaux collectifs. Le mal-logement marginalise les personnes et les isole du reste de la société.
Face à une situation d’une telle gravité, il est particulièrement nécessaire de rompre avec la politique austéritaire du gouvernement et de lancer un plan ambitieux de construction. Il est temps d’écouter les alertes formulées depuis des années par les associations, collectifs d’habitants, bailleurs sociaux et experts.
Madame Valérie Létard pourra s’inspirer, on l’espère, du programme du Nouveau Front Populaire qui prévoit la construction de 200 000 logements publics par an, avec les normes écologiques les plus exigeantes. Un programme qui prévoit aussi de revenir sur les coupes budgétaires de Macron, et notamment celles sur les organismes HLM de 1,4 milliard d’euros.
Une dernière idée que nous soufflons à Mme Létard : mettre en place une garantie universelle des loyers pour sécuriser les locataires et les propriétaires. Nous serons là pour la soutenir si elle décide de prendre ce chemin. Allez, un peu de courage politique Mme Létard !