François Piquemal

Droit à l’IVG : quand Federica Montseny avait des décennies d’avance

Ce samedi 28 septembre, c’est la journée mondiale du droit à l’IVG. Nous avons acquis ce droit en 1974 dans les circonstances que l’on connaît en France, mais savez-vous qu’il avait été instauré, de manière éphémère, 38 ans plus tôt en Espagne, en 1936, et que c’est l’œuvre d’une toulousaine ?

Aujourd’hui, je veux vous parler de l’histoire de Federica Montseny.
Cette militante anarcho-syndicaliste est entrée dans l’Histoire, la grande, en participant à la Guerre d’Espagne et en étant la première femme à devenir ministre en Espagne, sous la Seconde République espagnole.
En charge de la Santé entre 1936 et 1937, la jeune ministre demande au docteur Félix Martí Ibáñez de rédiger le premier projet de loi en faveur de l’interruption volontaire de grossesse. Ensemble, ils publient un décret rendant l’avortement sur demande légal en Catalogne. Ce texte ne sera hélas jamais appliqué. Il a été abandonné face à l’opposition de plusieurs ministres du gouvernement, pourtant de gauche. Federica ne restera que six mois à son ministère, contrainte de quitter ses responsabilités à la suite des événements de mai 1937 et de la guerre civile. Ses autres projets pour les orphelins, les femmes enceintes ou les prostituées ne pourront être développés. En effet Federica Montseny aura dans le court laps de temps où elle a été ministre voulu instaurer des lieux d’accueil pour orphelins, des cantines pour femmes enceintes, des liberatorios (maisons proposant notamment une aide psychologique) pour les prostituées, ouvert une liste de professions accessibles aux handicapés qui étaient jusqu’ici exclus de tout. Seul un orphelinat à Valence pourra voir le jour, le reste restera à l’état de projet.
Le droit à l’avortement ne sera reconnu en Espagne que cinquante ans plus tard.

Elle sera obligée de fuir pendant la Retirada. Federica Montseny connaîtra donc l’exil, les persécutions nazies et franquistes, la liberté surveillée jusqu’à la libération de la France en 1944. Installée à Toulouse jusqu’à son décès en 1994, elle n’abandonnera jamais ses combats et continuera d’écrire des livres politiques mais aussi des romans. Nombre d’entre eux sur le féminisme et l’émancipation des femmes. Elle voyagera beaucoup également, en Suisse, au Mexique, au Canada, en Italie… En 1977, la démocratie revenue, elle pourra enfin rentrer en Espagne pour un discours historique de la CNT à Barcelone. Elle repose aujourd’hui au cimetière de Rapas dans le quartier Saint-Cyprien.

Après de nombreuses recherches, je n’ai malheureusement trouvé aucun livre en français qui lui soit consacré, malgré le parcours exceptionnel qui fut le sien. Un documentaire a tout de même été diffusé en 1996 sur la télévision publique « Federica Montseny, l’indomptable ». Une allée porte encore son nom à Toulouse, mais clairement sa mémoire reste trop peu mise en avant, que ce soit dans notre histoire tout comme dans notre ville. Il est à noter que Pierre Cohen, maire de Toulouse de 2008 à 2014, a été le dernier maire à convoquer sa mémoire, lors d’une cérémonie des vœux pour rappeler que la Ville rose, où elle a terminé sa vie, est une terre d’hospitalité, d’engagement et de courage.

Federica Montseny était une femme d’exception.

Si en lisant ce billet, vous avez des idées d’initiatives à proposer afin d’honorer cette mémoire, n’hésitez pas à m’en faire part.

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