C’est passé un peu inaperçu mais le Commissaire Enquêteur a rendu un avis positif sur le projet de renouvellement urbain très contesté à la Reynerie au Mirail à Toulouse.
Une décision au premier abord décevante pour les habitants, pourtant quand on se plonge dans ce rapport le Commissaire Enquêteur (CE) fait des constats accablants sur la manière dont la Métropole et M. Moudenc gèrent cette affaire et dont ils traitent les habitants des quartiers populaires, ici au Mirail.
Rappelons que ce projet a pour but la démolition de 970 logements, de 5 dalles, la suppression d’espaces verts d’une surface de 3,7 ha, et de 780 arbres dont beaucoup ont l’âge du quartier. En contrepartie il serait reconstruit 972 logements en habitat social à 50 % et en accession à la propriété, en étalement sur le foncier récupéré, par l’édification d’un nombre important d’immeubles, de tailles plus petites variées et de maisons individuelles.
Un projet bâti sur un déni de démocratie, discutable urbanistiquement, écocide, et qui ne prend aucun cas de l’attachement des habitants à leur quartier. Coûteux également dans sa mise en place puisque le CE regrette la mauvaise gestion de l’argent public après que ce dossier ait été « mis à l’enquête à trois reprises en raison d’une insécurité juridique évitable lors de la préparation du dossier à l’instruction. »
Un déni de démocratie d’abord.
Ainsi apprend t-on que le projet s’appuie sur une réunion de concertation ayant réunie moins de 1% des habitants du quartier ! « 40 participants sur une population estimée à 3540 habitants en 2015 par l’INSEE ».
Cette réunion a été suivie par plusieurs ateliers, stands, distributions de plaquettes d’informations et de 7 permanences ne totalisant que 155 participants et 54 contributions… Des défaillances également dans ’l’accès à internet pour participer depuis la Mairie de Quartier…
Est-ce que l’on se permettrait de rénover tout un quartier de Neuilly sur Seine en ne consultant que moins d’1% de sa population ?
La question de l’urbanisme.
Concernant l’urbanisme, le CE estime que si les dalles souffrent de défauts certains, les bâtiments tripodes destinés à la démolition « ne souffrent d’aucune défaillance structurelle rendant ceux-ci inaptes aux besoins de la population. Lors de l’enquête plusieurs habitants ont mis en avant la résistance des immeubles sans la moindre fissure après l’explosion de l’usine AZF toute proche. »
Il souligne que les habitants ne se plaignent pas de la typologie, de la hauteur ou de la distribution des logements mais de « l’état général d’abandon du quartier. »
Ces démolitions annoncées en partie comme une réponse sécuritaire au trafic de drogue ne lui semblent pas efficaces : « La démolition des immeubles les plus atteints par les trafics déplacera probablement le problème sur un autre immeuble. Il n’est pas certain qu’un autre modèle d’architecture attire une population nouvelle dans un quartier où les trafics auront migré deux rues plus loin. Les expériences récentes dans les quartiers alentours montrent le retour des mêmes populations. », rappelant que « les problèmes bien réels de criminalité et de délinquance sont du ressort de la justice pénale et non des urbanistes. L’actualité démontre tous les jours que les trafics gangrènent toutes les villes petites ou grandes et toutes les formes d’urbanisation. »
Par ailleurs le CE constate que « la qualité des appartements notamment des tripodes est très supérieur aux immeubles récents en terme de surface de volume et d’éclairage naturel. Ils nécessitent néanmoins une mise aux normes environnementales et techniques actuelles. Le remplacement de l’existant par des constructions récentes ne constitue en rien une certitude de plus de qualité de vie. » Et d’appuyer : « L’époque actuelle montre nombre de sites à l’abandon durant des années qui retrouvent une grande vitalité et une population diversifiée par la réhabilitation intelligente des bâtiments, y compris s’ils sont industriels. »
Le CE s’étonne d’ailleurs et déplore qu’aucune étude de la Métropole pour une réhabilitation, rénovation des logements n’ait été fournie. Preuve de la volonté de cette dernière de démolir à tout prix. Pourtant le projet prévoit la conservation et la réhabilitation d’un parc de logements 1074, sur les résidences Jean Gilles, Petit Varèse, Auriacombe, Petit d’Indy et Satie. Il est donc légitime de se demander pour quelle raison ce qui est possible sur 5 immeubles, ne serait pas réalisable sur d’autres immeubles destinés à la démolition, qui ne souffrent d’aucune défaillance structurelle.
Au passage le CE a pris bonne note que « les professionnels de l’architecture, manifestent leur désaccord par la présentation d’un dossier construit et argumenté soutenu par une pétition de 787 personnes majoritairement de ce milieu» face aux démolitions.
La politique de logement de la Métropole mise en question.
Plus loin c’est la politique de logement de la Métropole qui est étrillée par le CE. Celui-ci rappelle que le besoin estimé par la métropole est de plus 7 000 logements par an pour une augmentation démographie de 9 000 habitants l’an. Dans ce contexte de manque de logements et de foncier est-il acceptable de détruire un millier de logements ne présentant aucun défaut structurel, dans un quartier particulièrement bien desservi par les transports, sans présenter une étude sérieuse de réhabilitation de l’existant, sans densification à la reconstruction, en consommant plus d’espace à l’encontre de toutes les mesures de réduction de l’impact environnemental, s’interroge t-il.
On entre là dans l’absurdité environnementale du projet et son impact écocide.
Un projet écocide.
La perte des arbres et d’îlots de fraîcheur.
Débutons par « la perte de 3,7 ha d’espaces verts comprenant la disparition de 780 arbres sur l’ensemble du projet dont la majeure partie devant l’immeuble Messager. La compensation par replantation de 1 100 arbres jeunes et création d’espaces diffus paraît peu bénéfique dans l’immédiat pour la qualité de l’air et la fraîcheur ambiante voir la santé publique. La majorité des arbres est replantée en alignement des voies de circulation. Il manque des espaces de fraîcheur type petit bois de quelques centaines de m2 alors que les espaces sont disponibles. Le bénéfice des nouveaux emplacements et surtout des arbres de hautes tiges n’interviendra que dans le temps long. Le commissaire note l’estimation d’une augmentation de 32 % de la surface globale des espaces verts en 2030, et déplore qu’il ne s’agisse que d’une estimation sans obligation de résultat. Aucun inventaire ne permet dans le dossier de confirmer ou d’infirmer cette estimation. A l’heure d’une alerte anxiogène des pouvoirs publics sur le réchauffement climatique nécessitant plus d’arbres et moins d’artificialisation, cette opération n’est pas une garantie de meilleur qualité de l’air. »
« Le commissaire regrette l’absence d’un projet ambitieux d’ombrage végétalisé de la place face au lac qui à ce jour représente une dalle de chaleur insupportable. Il n’est prévu que quelques arbres bien insuffisants à rafraîchir ce grand espace artificialisé. En l’état du projet le commissaire enquêteur estime que la perte n’est compensée que par une estimation à terme très aléatoire et non démontrée. »
Une opération indirecte d’étalement urbain et d’artificialisation des sols.
L’impératif de densifier pour résorber la pénurie de logements en économie de consommation d’espace figure dans toutes les directives de l’État, les textes législatifs et réglementaires en matière d’urbanisme depuis de nombreuses années. Il constitue un intérêt public de première importance pour éviter de poursuivre l’étalement urbain. Pour le CE « il est étonnant de ne pas en trouver la moindre trace dans le projet du PRU. »
Tout cela pour ne reconstruire que nombre pour nombre (2 logements de plus) en étalement du bâti en partie sur des zones non encore artificialisées du quartier. Pour le CE « le potentiel du quartier est exceptionnel ne pas densifier est contraire à toute logique. Détruire près de 1000 logements a un coût environnemental et financier non négligeable. N’en reconstruire qu’un nombre identique sur une emprise au sol plus importante constitue un gaspillage d’espace et une gestion surprenante et désinvolte de l’argent public. Le projet prévoit le stationnement en surface et en grande partie en bordure de voie et éventuellement en demi sous sol. Il s’agit d’un gaspillage d’espace qui sera artificialisé. Il serait opportun de prévoir des places pour le stationnement VL et vélos en sous sol des immeubles lorsque cela est réalisable. Mais aussi la construction de parcs en silo cumulant la sécurité et l’économie d’espace. »
La gestion des déchets liés aux démolitions.
Les démolitions produirons une grande quantité de matériaux dont le traitement doit faire l’objet d’une gestion surveillée. Le CE estime qu’un réemploi sur site doit être privilégié, afin de réduire l’impact environnemental d’un transport vers un centre de traitement des déchets. Des quotas devront faire l’objet d’injonctions contractuelles dans les contrats de maîtrise d’œuvre
En conclusion si le CE estime que le projet est d’utilité publique, il note de très nombreux points négatifs qui ternissent cet avis positif et invite la Métropole et autres institutions à revoir la copie.
-une destruction de logements spacieux dans une ville qui en manque cruellement ;
-une absence de densification qui pourrait compenser les destructions ;
-la remise en question d’un modèle d’urbanisme et d’une architecture non dépourvu de qualités ;
-l’absence de projet de réhabilitation chiffrés comparé au coût avec reconstruction ;
-un manque de recherche de solutions alternatives ;
-la recherche d’une mixité qui ne fonctionne pas sur le quartier à ce jour ;
-la perte d’importants espaces verts et de nombreux arbres adultes ;
-la nécessité de reloger des centaines de familles. Certaines déracinées présentes dans le même – logement depuis de nombreuses années ;
-la destruction de places de garages de copropriétaires sans solution équivalente de sécurité ;
-des travaux longs entraînant des nuisances importantes ;
-un coût financier et environnemental élevé des destructions ;
-une grande consommation d’espace ;
-un étalement urbain.
Nous appuyant sur ces observations que nous partageons en grande partie, nous invitons la Métropole à revenir à la raison sur ce projet contesté. Alors que la Reynerie se situe dans le quartier du Mirail où se trouve l’école d’architecture, pourquoi ne pas lancer un concours d’architecte en lien avec les habitants pour explorer des pistes de rénovation et réhabilitation des immeubles et du quartier dans la cadre de la transition écologique ?
De nombreuses énergies existent dans le quartier pour y participer : habitants, associations, entreprises du BTP, architectes….
Comme le signifie le CE, il faut réinjecter su service public, poste de police municipale, mais aussi salle des fêtes, davantage d’encadrement du périscolaire, créer des filières d’emploi autour de la rénovation et la dynamisation du quartier, réinjecter des conciergeries dans chaque immeuble par exemple.
Surtout bâtir le Mirail de demain avec les habitants et pas depuis les lambris du Capitole. Nous continuerons par nos propositions à nous tenir au côté des habitants pour préserver leur quartier de ce projet écocide. Le rapport du Commissaire Enquêteur à découvrir ici : https://www.haute-garonne.gouv.fr/contenu/telechargement/48731/361987/file/conclusions.pdf