François Piquemal

Pour une liberté effective des funérailles

Alors que l’année touche à sa fin, nous sommes nombreux à anticiper des fêtes de fin d’année durant lesquelles un être cher sera absent pour la première fois. Ces retrouvailles sont ainsi aussi un moment où l’on se commémore nos proches, où l’on fait perdurer les souvenirs qui nous unissent. Partie intégrante de nos vies, le deuil est une souffrance dont nous comprenons l’impact sur la trajectoire de vie des uns et des autres. C’est pourquoi le recueillement doit être permis et facilité, pour que tous·tes puissent cultiver la mémoire de celles et ceux qui ne sont plus là.

Collectivement, nous avons décidé de garder nos défunt·es proches de nous, dans des lieux de mémoire dédiés, bien souvent au cœur des villes. Aujourd’hui, ces lieux font face à différentes difficultés : l’entretien des cimetières reposant sur les collectivités souffre parfois d’un manque de place, d’une gestion des espaces contrainte par l’augmentation de la population ainsi que son vieillissement.

Par ailleurs, bien que la loi garantisse depuis 1887 la liberté des funérailles, celle-ci n’est en pratique pas respectée. L’obligation de mise en bière peut ainsi s’exercer comme une violence symbolique pour des cultures dont le cercueil n’est pas toujours partie intégrante, telles que l’islam, le protestantisme ou le judaïsme. La laïcité impliquerait de laisser aux citoyens la liberté de choix quant aux modalités de leurs funérailles, dans la tradition républicaine issue du XIXe siècle qui a mené à l’autorisation de la crémation.

Aujourd’hui, de nouvelles pratiques funéraires émergent, qui visent souvent à placer les êtres humains comme parties intégrantes de leur environnement, à les replacer au sein d’un cycle naturel qui fait de la mort une partie de la vie, de soi et des autres.

Ainsi, les forêts mémorielles sont de plus en plus répandues à travers la pratique de la terramation. L’idée est simple : plutôt qu’une inhumation en caveau ou une crémation, nous sommes après notre mort enterré dans un linceul biodégradable permettant une meilleure absorption du corps par les sols. L’humus issu en quelque mois de ce procédé peut ensuite nourrir un arbre planté au sein d’un espace de cimetière dédié à cette forêt, et auprès duquel nos proches pourront venir se recueillir. Initiateur d’un recommencement, chaque arbre comporterait ainsi pour toutes et tous la mémoire d’un proche. Nous pourrions même imaginer des arbres correspondant à des familles, nourris par des générations sur des centaines d’années, et à proximité de leurs pairs au sein de forêts urbaines verdoyantes.

De nombreux pays pratiquent déjà l’enterrement sans cercueil, sans problèmes sanitaires ni hygiéniques : aux États-Unis, en Allemagne… Alors que 73 % des Français⸱es souhaitent avoir accès à des méthodes de funérailles plus écologiques, un projet du CNRS sur le sujet est actuellement à l’étude. À Toulouse où je suis élu, une première forêt cinéraire est prévue, qui permettra de déposer des urnes biodégradables au pied d’arbres. Mais cette forme ne correspond pas exactement au souhait des habitant⸱es : la terramation pour nourrir un arbre reste freinée par l’obligation du cercueil alors même que 46 % des Français·es seraient prêt⸱es à y recourir pour rejoindre une forêt mémorielle.

C’est pourquoi j’ai déposé ce mois-ci une proposition de loi visant à rendre effective la liberté des funérailles en garantissant des funérailles laïques, écologiques et abordables, tout en ouvrant la voie à la transition funéraire souhaitée par les Français·es. Elle se caractérisera par la levée de l’obligation du cercueil et l’autorisation pour les collectivités d’expérimenter ces forêts mémorielles dans la forme souhaitée par les habitant·es. Je soumettrai d’ailleurs la demande que de tels espaces puissent émerger sur ma circonscription à Toulouse : dans les cimetières de Lafourguette et de Saint-Simon mais aussi de Rapas et de Lardenne.

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