De quoi l’affaire Chalureau est-elle le nom?

Le 1er septembre le compte d’information rugbystique Boucherie Ovalie commente la sélection de Bastien Chalureau après le forfait de Paul Willemse. Il mentionne le fait que le joueur suit et semble apprécier un rappeur d’extrême droite, raciste, sexiste, homophobe, tristement connu sous le nom de Millésime K.

À cette information, le compte Boucherie Ovalie rappelle la condamnation de Bastien Chalureau à six mois de prison avec sursis pour « faits de violence avec la circonstance que ces derniers ont été commis en raison de la race ou de l’ethnie de la victime ».

Suite à ce post, le compte reçoit des messages que l’on peut classer en trois catégories : ceux apprenant les faits et s’en indignant, ceux malheureusement habituels de la fachosphère insultant le compte et relativisant voire justifiant les faits de violence et ceux reprochant au compte de lancer une polémique à quelques jours du début de la Coupe du Monde qui nuirait à l’équipe de France.

C’est par les alertes de pratiquants du rugby de la première catégorie que Thomas Portes et moi-même sommes mis au courant des faits reprochés à B. Chalureau, c’est à la troisième catégorie que ce billet s’adresse.

Avant d’expliquer comment Thomas Portes et moi avons décidé de nous emparer du sujet comme parlementaires, il paraît utile d’expliquer rapidement notre rapport au rugby. Thomas Portes pourrait le faire plus longuement, mais il a joué au rugby à Agen et compte dans son univers familial et amical de nombreuses personnes jouant ou entraînant dans le rugby.

Pour ma part, j’affectionne le sport de manière générale, le foot en particulier. Je ne suis qu’amateur de rugby et pas un spectateur régulier, bien que plusieurs membres de ma famille y aient joué parfois à haut niveau et que je manquais rarement avec mon père le tournoi des 5 puis 6 nations, les Coupes du Monde et les exploits du Stade Toulousain, ce qui est toujours le cas aujourd’hui.

C’est donc en tant qu’amateurs de rugby que nous attendons cette Coupe du Monde avec impatience, c’est en tant qu’amateurs de rugby, citoyens et parlementaires que nous souhaitons que l’événement et notre équipe de France portent des valeurs qui puissent être les plus rassembleuses et inclusives possibles, comme nous avons les mêmes attentes vis-à-vis des autres disciplines sportives.

En ce sens, dès le 5 avril dernier en Commission parlementaire, j’ai interrogé M. Michel Cadot, délégué interministériel aux grands événements sportifs internationaux, M. Alexandre Martinez, président par intérim de la Fédération française de Rugby, et M. Jacques Rivoal, président du GIP France 2023 au sujet de l’organisation de la Coupe du Monde sur un certain nombre de points : trafic de places, tarification sociale, privatisation de certaines activités, non-respect du code de l’environnement, protection des supporters et lutte contre le racisme, déjà, via notamment un hommage à Federico Aramburu.

Pour rappel sur ce dernier point : à Paris, le samedi 19 mars 2022, une bagarre éclate à 6h au bar le Mabillon suite à l’intervention des ex-rugbymen Shaun Hegarty et Federico Martin Aramburù à propos d’une remarque raciste exprimée par Loïk Le Priol et Romain Bouvier, deux militants d’extrême- droite membres du Groupe Union Défense (GUD). Quelques minutes après s’être séparés, ces derniers sont revenus armés et ont assassiné Federico Aramburù.

En sa mémoire, nous avons travaillé cet été avec Thomas Portes et des acteurs du rugby à une tribune et pétition demandant à ce qu’un hommage soit rendu au joueur argentin via une minute de silence lors du match d’ouverture et/ou d’Angleterre-Argentine. Cette tribune est sortie le 31 août sur le journal Politis, seul journal se montrant intéressé par celle-ci. Elle a toutefois rencontré un écho important en Argentine, pays du joueur, et a recueilli près de 2000 signatures.

Cette tribune suit donc une première intervention en commission et une question écrite du 16 mai 2023 de Thomas Portes à la Ministre des Sports. A chaque fois nous interrogeons plus largement sur les actions mises en place par la Fédération concernant le racisme.

C’est après avoir effectué toutes ces demandes, sans réponses concrètes à ce jour, que nous apprenons le lendemain de la publication de la tribune les faits reprochés à B. Chalureau. Rappelons sommairement ces derniers : B. Chalureau a été condamné à six mois de prison avec sursis pour « faits de violence avec la circonstance que ces derniers ont été commis en raison de la race ou de l’ethnie de la victime » le 31 janvier 2020 sur deux autres anciens rugbymen du bassin toulousain : Nassim Arif et Yannick Larguet, ce dernier comptant 8 jours d’ITT.

Les deux victimes expliquent que l’agression a été accompagnée d’insultes racistes « bougnoules », que le jugement confirme. Depuis B. Chalureau reconnaît les faits de violence mais nie ceux de racisme et a fait appel. Il bénéficie donc de la présomption d’innocence et la Justice doit trancher dans cette affaire prochainement (tout de même plus de trois ans après les faits ce qui mériterait un autre débat sur les moyens accordés à l’institution judiciaire…).

De la même manière, les victimes méritent qu’on leur accorde une présomption d’empathie et de solidarité, à fortiori quand leurs dires sont confirmés par une première décision de Justice aussi limpide.

Dans ce contexte, il est légitime que sa sélection pose question comme s’en sont confiés récemment d’anciens joueurs comme Thierry Dusautoir et Pierre Rabadan. C’est ce que nous avons soulevé auprès de la Ministre des Sports avec Thomas Portes en proposant deux choses : « Dans ce contexte il nous paraît judicieux que la non-sélection de Bastien Chalureau soit envisagée sérieusement. Une autre possibilité étant que le joueur et la Fédération annoncent publiquement qu’ils sont prêts à un engagement fort et sur le long terme contre le racisme à travers différentes actions comme des stages de sensibilisation auprès du jeune public. »

Ce qui nous semblait une préoccupation légitime à relayer en tant que parlementaires soucieux de la lutte contre le racisme est devenue une affaire de laquelle même le Président s’est mêlé. Une affaire amenant B. Chalureau à s’exprimer enfin sur le sujet depuis sa première sélection en équipe nationale, lui qui avait été mis à pied du Stade Toulousain, club qui avait eu dans ce contexte une attitude exemplaire, au lendemain de l’agression, avant de rejoindre Montpellier. Là-bas selon son entraîneur de l’époque, Xavier Garbajosa, et le joueur lui-même il avait amorcé un changement de comportement.

Lors de cette prise de parole, B. Chalureau assure qu’il n’est pas raciste, qu’il nie les faits de racisme qui lui sont reprochés, que tout cela affecte ses proches et sa famille. On veut le croire. En attendant le verdict du prochain procès, on peut espérer que l’homme ait changé comme le joueur l’a fait. Nul n’est parfait, l’auteur de ces lignes en premier, chacun a droit à une seconde chance, d’évoluer, de s’améliorer. Bastien Chalureau a fait ce qu’il devait faire : s’exprimer publiquement pour faire preuve de sincérité et lever les ambiguïtés sur son état d’esprit actuel. De la même manière que l’on reste solidaire évidemment de Yannick Larguet et Nassim Arif présumées victimes de l’agression survenue le 31 janvier. Le futur procès tranchera les faits.

Quoi qu’il en soit, la prise de parole de B. Chalureau aurait dû avoir lieu dès sa première sélection dans le XV de France le 12 novembre dernier, et c’est la Fédération qui devait l’organiser en lien avec le joueur, étant donné son passif.

Ceux qui nous reprochent aujourd’hui de s’interroger publiquement sur la sélection d’un joueur avec une telle condamnation à quelques jours de la Coupe du Monde doivent se rappeler de plusieurs choses. Premièrement les alertes ne sont pas venues de nous mais d’acteurs du rugby, deuxièmement nous ne sommes pas au courant du passé de tous les joueurs sélectionnables dans le XV de France de même que celui de l’ensemble des athlètes français. Troisièmement la lutte contre le racisme, sa prévention et les actions volontaristes doivent tout autant être l’œuvre de toutes les Fédérations sportives, dont celle de rugby, qui par son silence sur le passé du joueur n’a ni rendu service à ce dernier, ni à l’équipe dont des joueurs ont été victimes de commentaires racistes en mars dernier, ni à la lutte anti-raciste.

Qu’ont fait ceux qui étaient au courant pour désamorcer les soupçons qui pesaient sur le joueur lors de son arrivée en équipe de France ? Le silence en espérant que l’affaire ne ressurgirait pas ?

Car mettons les pieds dans le plat : le rugby, n’est pas le sport le moins épargné par les affaires de racisme, c’est le moins qu’on puisse dire. Prenons juste quelques faits advenus sur ce début d’année 2023 :

Le 10 janvier, Bakary Meïté entraîneur du Rugby Entente Cabardès (REC), club audois de Régionale 2, révèle s’être fait traiter de « mangeur de bananes » par son entraîneur adjoint.

Le 22 janvier Cheikh Sana joueur du Boucau-Tarnos Stade (BTS), Fédérale 2, se fait traiter de « sale noir » par des supporters d’une équipe adverse. Ce n’est pas la première fois que cela lui arrive.

Le lendemain 23 janvier Alexandre Cretu international roumain qui évolue à Quillan-Limoux, dans l’Aude se fait aussi traiter de « sale noir » à plusieurs reprises par un joueur adverse en plein match de Fédérale 3. « Autour de moi à part quelques coéquipiers, personne n’était choqué. Je regrette que l’arbitre ou l’officiel ne m’ait pas calmé en me disant qu’ils s’en occupaient et que c’était grave. »

Le 11 mars Romain Taofifenua est l’objet d’un commentaire raciste après avoir posté une photo avec ses coéquipiers Reda Warbi, Peato Mauvaka, Sekou Macalou et Sipili Falatea : « Aucun ne ressemble à un Français. C’est pareil dans le football. » Trois des joueurs réagissent publiquement rappelant que « la lutte contre le racisme est le combat de tous. Il ne faut jamais lâcher ».

Le 30 mars Kemueli Lavetanakoroi, joueur de Chambéry est l’objet d’insultes racistes de la part de supporters adverses.

Le 21 mai Théo Chéa, arbitre de rugby, se fait insulter par des supporters en plein match: “sale chintok“, “espèce de chinois“, “ici c’est pas la Chine, t’as qu’à ouvrir les yeux“. Ce n’est pas la première fois qu’il est l’objet de racisme ou qu’il en est témoin : « un joueur, de couleur, s’était fait traiter de “Kirikou” pendant la rencontre. J’avais arrêté le match et demandé au président d’expulser le supporter du stade. Derrière, ce dernier m’avait traité de “sale chintok“.

On pourrait y ajouter les nombreux commentaires racistes attaquant la récente publicité Adidas qui met en scène une jeunesse issue de tout le pays avec des joueurs de l’équipe de France, banlieue comme province, afin de célébrer cette discipline : “On ne veut pas de racailles au rugby, qu’ils ne viennent pas tout gâcher comme au foot. Et puis de toute façon c’est des pleureuses“, “Ça y est ils ont viré woke comme Nike. S’il vous plaît cassez-vous du rugby, il a pas besoin de vous“, “Le nouveau rugby sera sans blancs visiblement“, “Ça pue l’extrême gauche ce clip” ou encore “On n’a pas forcément envie que l’équipe de France de rugby devienne l’équipe de football“, “Y a beaucoup de noirs quand même, non ?“, et même “Vous nous pétez les c*uilles avec vos cités et la diversité, on aura plus le droit à rien sans devoir y goûter“.

Classique hélas de la part d’une fachosphère ramenée à la réalité multiculturelle du XV de France, issu des campagnes et des banlieues. Pour autant, cela ne doit pas nous laisser banaliser ce racisme de plus en plus décomplexé. Comme l’a rappelé de manière brillante la journaliste de l’équipe Chrystelle Bonnet, le racisme et l’extrême droite tuent, cela a été le cas avec Federico Aramburu.

Et quand le racisme ne tue pas, il peut affecter profondément les personnes qui en sont victimes comme le raconte très bien Bakary Meïté après les faits qui lui sont arrivés: « J’ai moi-même du mal à la décrire. Je suis épuisé. Physiquement et mentalement. Mais comme souvent, j’écris pour me soulager. Je remercie toutes les personnes qui m’ont d’ores et déjà apporté leur soutien. J’ai juste envie d’oublier. Même si je sais que ça m’est impossible. »

Dès lors, comment ne pas comprendre dans ce contexte que la sélection d’un joueur condamné en première instance pour agression raciste puisse émouvoir ceux qui en ont fait l’expérience ou qui sont sensibles à cette cause ? Comment penser que toute la France puisse soutenir le joueur sans que le doute n’ait été levé ?

Ceux qui nous réclament le silence au nom d’une sacro-sainte union nationale derrière l’équipe de France de rugby, devraient comprendre qu’il n’y pas de « bon timing » pour s’indigner du racisme, comme de toute forme de discrimination.

Comment défendre les « valeurs » du rugby quand on ne fait pas de l’intégrité des personnes victimes de racisme, une priorité absolue ? Quand on ne veille pas à ne pas blesser toutes celles et ceux qui l’ont été ? Un des marqueurs de la dérive des Fédérations sur lesquelles nous avons lancé une commission d’enquête menée par ma collègue Sabrina Sebaihi, c’est qu’un certain nombre de faits inadmissibles le sont au nom de la performance, au nom de la sacralisation d’un objectif sportif qui permet de tout justifier, parfois le pire : racisme, VSS, violences en tout genre.

Il n’y pas de « timing » pour entendre Bakary, Cheikh, Alexandre, Romain, Reda, Peato, Sekou, Sipili, Kemueli, Théo, Yannick, Nassim, les soutenir et leur dire que le racisme ne doit pas avoir sa place dans le rugby. Le dire et agir.

Sur ce dernier point, le nouveau président de la Fédération de Rugby, Florian Grill a déclaré : « Dès lors, notre position est claire : si les propos ont effectivement été tenus et que c’est reconnu par la justice, c’est inacceptable et nous les condamnons fermement. Ils n’ont pas leur place sur un terrain de rugby et nous combattons au quotidien les faits de racisme dans notre sport. Mais dans la mesure où le joueur nie ces propos et qu’il a fait appel, il y a travail de justice qui est en cours et qu’il convient de respecter. »

Dont acte. On regrettera que la prise de parole de B.Chalureau n’ait pas été accompagnée par la Fédération d’une explication sur la manière dont elle combat au quotidien les faits de racisme, et plus encore comment elle sensibilise dès le plus jeunes âge à ces questions pour éviter les incidents réguliers qui émaillent certains matchs.

Une question qui reste ouverte, comme d’autres, et que nous aborderons dans le prochain colloque « Un autre rugby est possible » que nous allons organiser avec mon collègue Thomas Portes dans les murs de l’Assemblée Nationale.

D’ici là on espère le meilleur pour l’équipe de France de rugby, sur le terrain et dans les valeurs.

Renouvellement urbain à la Reynerie : un avis positif en trompe l’oeil.

C’est passé un peu inaperçu mais le Commissaire Enquêteur a rendu un avis positif sur le projet de renouvellement urbain très contesté à la Reynerie au Mirail à Toulouse.

Une décision au premier abord décevante pour les habitants, pourtant quand on se plonge dans ce rapport le Commissaire Enquêteur (CE) fait des constats accablants sur la manière dont la Métropole et M. Moudenc gèrent cette affaire et dont ils traitent les habitants des quartiers populaires, ici au Mirail.

Rappelons que ce projet a pour but la démolition de 970 logements, de 5 dalles, la suppression d’espaces verts d’une surface de 3,7 ha, et de 780 arbres dont beaucoup ont l’âge du quartier. En contrepartie il serait reconstruit 972 logements en habitat social à 50 % et en accession à la propriété, en étalement sur le foncier récupéré, par l’édification d’un nombre important d’immeubles, de tailles plus petites variées et de maisons individuelles.

Un projet bâti sur un déni de démocratie, discutable urbanistiquement, écocide, et qui ne prend aucun cas de l’attachement des habitants à leur quartier. Coûteux également dans sa mise en place puisque le CE regrette la mauvaise gestion de l’argent public après que ce dossier ait été « mis à l’enquête à trois reprises en raison d’une insécurité juridique évitable lors de la préparation du dossier à l’instruction. »

Un déni de démocratie d’abord.

Ainsi apprend t-on que le projet s’appuie sur une réunion de concertation ayant réunie moins de 1% des habitants du quartier ! « 40 participants sur une population estimée à 3540 habitants en 2015 par l’INSEE ».

Cette réunion a été suivie par plusieurs ateliers, stands, distributions de plaquettes d’informations et de 7 permanences ne totalisant que 155 participants et 54 contributions… Des défaillances également dans ’l’accès à internet pour participer depuis la Mairie de Quartier…

Est-ce que l’on se permettrait de rénover tout un quartier de Neuilly sur Seine en ne consultant que moins d’1% de sa population ?

La question de l’urbanisme.

Concernant l’urbanisme, le CE estime que si les dalles souffrent de défauts certains, les bâtiments tripodes destinés à la démolition « ne souffrent d’aucune défaillance structurelle rendant ceux-ci inaptes aux besoins de la population. Lors de l’enquête plusieurs habitants ont mis en avant la résistance des immeubles sans la moindre fissure après l’explosion de l’usine AZF toute proche. »

Il souligne que les habitants ne se plaignent pas de la typologie, de la hauteur ou de la distribution des logements mais de « l’état général d’abandon du quartier. »

Ces démolitions annoncées en partie comme une réponse sécuritaire au trafic de drogue ne lui semblent pas efficaces : « La démolition des immeubles les plus atteints par les trafics déplacera probablement le problème sur un autre immeuble. Il n’est pas certain qu’un autre modèle d’architecture attire une population nouvelle dans un quartier où les trafics auront migré deux rues plus loin. Les expériences récentes dans les quartiers alentours montrent le retour des mêmes populations. », rappelant que « les problèmes bien réels de criminalité et de délinquance sont du ressort de la justice pénale et non des urbanistes. L’actualité démontre tous les jours que les trafics gangrènent toutes les villes petites ou grandes et toutes les formes d’urbanisation. »

Par ailleurs le CE constate que « la qualité des appartements notamment des tripodes est très supérieur aux immeubles récents en terme de surface de volume et d’éclairage naturel. Ils nécessitent néanmoins une mise aux normes environnementales et techniques actuelles. Le remplacement de l’existant par des constructions récentes ne constitue en rien une certitude de plus de qualité de vie. » Et d’appuyer : « L’époque actuelle montre nombre de sites à l’abandon durant des années qui retrouvent une grande vitalité et une population diversifiée par la réhabilitation intelligente des bâtiments, y compris s’ils sont industriels. »

Le CE s’étonne d’ailleurs et déplore qu’aucune étude de la Métropole pour une réhabilitation, rénovation des logements n’ait été fournie. Preuve de la volonté de cette dernière de démolir à tout prix. Pourtant le projet prévoit la conservation et la réhabilitation d’un parc de logements 1074, sur les résidences Jean Gilles, Petit Varèse, Auriacombe, Petit d’Indy et Satie. Il est donc légitime de se demander pour quelle raison ce qui est possible sur 5 immeubles, ne serait pas réalisable sur d’autres immeubles destinés à la démolition, qui ne souffrent d’aucune défaillance structurelle.

Au passage le CE a pris bonne note que « les professionnels de l’architecture, manifestent leur désaccord par la présentation d’un dossier construit et argumenté soutenu par une pétition de 787 personnes majoritairement de ce milieu» face aux démolitions.

La politique de logement de la Métropole mise en question.

Plus loin c’est la politique de logement de la Métropole qui est étrillée par le CE. Celui-ci rappelle que le besoin estimé par la métropole est de plus 7 000 logements par an pour une augmentation démographie de 9 000 habitants l’an. Dans ce contexte de manque de logements et de foncier est-il acceptable de détruire un millier de logements ne présentant aucun défaut structurel, dans un quartier particulièrement bien desservi par les transports, sans présenter une étude sérieuse de réhabilitation de l’existant, sans densification à la reconstruction, en consommant plus d’espace à l’encontre de toutes les mesures de réduction de l’impact environnemental, s’interroge t-il.

On entre là dans l’absurdité environnementale du projet et son impact écocide.

Un projet écocide.

La perte des arbres et d’îlots de fraîcheur.

Débutons par « la perte de 3,7 ha d’espaces verts comprenant la disparition de 780 arbres sur l’ensemble du projet dont la majeure partie devant l’immeuble Messager. La compensation par replantation de 1 100 arbres jeunes et création d’espaces diffus paraît peu bénéfique dans l’immédiat pour la qualité de l’air et la fraîcheur ambiante voir la santé publique. La majorité des arbres est replantée en alignement des voies de circulation. Il manque des espaces de fraîcheur type petit bois de quelques centaines de m2 alors que les espaces sont disponibles. Le bénéfice des nouveaux emplacements et surtout des arbres de hautes tiges n’interviendra que dans le temps long. Le commissaire note l’estimation d’une augmentation de 32 % de la surface globale des espaces verts en 2030, et déplore qu’il ne s’agisse que d’une estimation sans obligation de résultat. Aucun inventaire ne permet dans le dossier de confirmer ou d’infirmer cette estimation. A l’heure d’une alerte anxiogène des pouvoirs publics sur le réchauffement climatique nécessitant plus d’arbres et moins d’artificialisation, cette opération n’est pas une garantie de meilleur qualité de l’air. »

« Le commissaire regrette l’absence d’un projet ambitieux d’ombrage végétalisé de la place face au lac qui à ce jour représente une dalle de chaleur insupportable. Il n’est prévu que quelques arbres bien insuffisants à rafraîchir ce grand espace artificialisé. En l’état du projet le commissaire enquêteur estime que la perte n’est compensée que par une estimation à terme très aléatoire et non démontrée. »

Une opération indirecte d’étalement urbain et d’artificialisation des sols.

L’impératif de densifier pour résorber la pénurie de logements en économie de consommation d’espace figure dans toutes les directives de l’État, les textes législatifs et réglementaires en matière d’urbanisme depuis de nombreuses années. Il constitue un intérêt public de première importance pour éviter de poursuivre l’étalement urbain. Pour le CE « il est étonnant de ne pas en trouver la moindre trace dans le projet du PRU. »

Tout cela pour ne reconstruire que nombre pour nombre (2 logements de plus) en étalement du bâti en partie sur des zones non encore artificialisées du quartier. Pour le CE « le potentiel du quartier est exceptionnel ne pas densifier est contraire à toute logique. Détruire près de 1000 logements a un coût environnemental et financier non négligeable. N’en reconstruire qu’un nombre identique sur une emprise au sol plus importante constitue un gaspillage d’espace et une gestion surprenante et désinvolte de l’argent public. Le projet prévoit le stationnement en surface et en grande partie en bordure de voie et éventuellement en demi sous sol. Il s’agit d’un gaspillage d’espace qui sera artificialisé. Il serait opportun de prévoir des places pour le stationnement VL et vélos en sous sol des immeubles lorsque cela est réalisable. Mais aussi la construction de parcs en silo cumulant la sécurité et l’économie d’espace. »

La gestion des déchets liés aux démolitions.

Les démolitions produirons une grande quantité de matériaux dont le traitement doit faire l’objet d’une gestion surveillée. Le CE estime qu’un réemploi sur site doit être privilégié, afin de réduire l’impact environnemental d’un transport vers un centre de traitement des déchets. Des quotas devront faire l’objet d’injonctions contractuelles dans les contrats de maîtrise d’œuvre

En conclusion si le CE estime que le projet est d’utilité publique, il note de très nombreux points négatifs qui ternissent cet avis positif et invite la Métropole et autres institutions à revoir la copie.

-une destruction de logements spacieux dans une ville qui en manque cruellement ;

-une absence de densification qui pourrait compenser les destructions ;

-la remise en question d’un modèle d’urbanisme et d’une architecture non dépourvu de qualités ;

-l’absence de projet de réhabilitation chiffrés comparé au coût avec reconstruction ;

-un manque de recherche de solutions alternatives ;

-la recherche d’une mixité qui ne fonctionne pas sur le quartier à ce jour ;

-la perte d’importants espaces verts et de nombreux arbres adultes ;

-la nécessité de reloger des centaines de familles. Certaines déracinées présentes dans le même – logement depuis de nombreuses années ;

-la destruction de places de garages de copropriétaires sans solution équivalente de sécurité ;

-des travaux longs entraînant des nuisances importantes ;

-un coût financier et environnemental élevé des destructions ;

-une grande consommation d’espace ;

-un étalement urbain.

Nous appuyant sur ces observations que nous partageons en grande partie, nous invitons la Métropole à revenir à la raison sur ce projet contesté. Alors que la Reynerie se situe dans le quartier du Mirail où se trouve l’école d’architecture, pourquoi ne pas lancer un concours d’architecte en lien avec les habitants pour explorer des pistes de rénovation et réhabilitation des immeubles et du quartier dans la cadre de la transition écologique ?

De nombreuses énergies existent dans le quartier pour y participer : habitants, associations, entreprises du BTP, architectes….

Comme le signifie le CE, il faut réinjecter su service public, poste de police municipale, mais aussi salle des fêtes, davantage d’encadrement du périscolaire, créer des filières d’emploi autour de la rénovation et la dynamisation du quartier, réinjecter des conciergeries dans chaque immeuble par exemple.

Surtout bâtir le Mirail de demain avec les habitants et pas depuis les lambris du Capitole. Nous continuerons par nos propositions à nous tenir au côté des habitants pour préserver leur quartier de ce projet écocide. Le rapport du Commissaire Enquêteur à découvrir ici : https://www.haute-garonne.gouv.fr/contenu/telechargement/48731/361987/file/conclusions.pdf

La lutte des places est aussi celle de la fraîcheur : le cas des habitant.e.s des Pradettes.

Nous étions hier auprès des habitants.e.s de la résidence des Ferrets aux Pradettes, Grand-Mirail. Je les ai rencontré il y a 7 ans lorsque j’étais militant pour le droit au logement, car ils subissaient la précarité énergétique l’hiver. Leur mobilisation avait permis quelques améliorations de la part du bailleur Toulouse Métropole Habitat, mais les aménagements sont insuffisants face aux vagues de chaleur que nous connaissons. Leurs logements sont de véritables bouilloires thermiques.

Pour rappel en 2022, 59 % des Français et des Françaises souffraient de la chaleur dans leur logement soit 40 millions de personnes. Selon le dernier rapport annuel du Haut Conseil pour le climat, l’Hexagone est particulièrement exposé aux conséquences du réchauffement planétaire. La hausse du thermomètre a atteint + 1,9 °C sur la dernière décennie en France, contre près de 1,2 °C dans le monde…

A Toulouse nous sommes particulièrement touchés puisque selon l’Insee les projections de 2021 à 2050, 55% de la population vivra dans une zone à risque, en Occitanie, soit 3,2 millions de personnes. Toujours selon l’Insee, les personnes les plus exposées seront les enfants, nos anciens ainsi que les plus pauvres.

Un récent article de Mediapart montre d’ailleurs comment les plus précaires sont exclus des espaces verts et des îlots de fraîcheur. Le cas des Pradettes est signifiant puisqu’alors que les habitant.e.s avaient plébiscité la création d’une ferme urbaine et de jardins sur la friche de Bordeblanche, M. Moudenc a préféré s’adonner à sa passion préférée : bétonner avec un nouveau programme immobilier ne répondant pas aux besoins du quartier, et donc renforcer l’effet îlot de chaleur dans le dû à la concentration des bâtiments et à l’imperméabilisation des surfaces .

Pourtant un îlot de fraîcheur n’aurait pas été de trop pour les habitants des Ferrets qui témoignent de températures dépassant les 30 degrés et pouvant atteindre jusque 38 degrés dans leurs appartements malgré la climatisation de fortune qu’ils ont installé.

Ils subissent la chaleur emmagasinée en ville en journée et restituée tout au long de la nuit. De manière générale les habitant·es des banlieues populaires comme au Mirail sont surexposé·es aux températures extrêmes, et sont assigné·es dans des espaces urbains minéralisés. Ces fortes chaleurs ont des impacts sur le sommeil et la santé d’habitant.e.s qui n’ont pas forcément les moyens de partir en vacances et qui doivent se lever tôt pour aller au travail.

A contrario les quartiers les plus végétalisés et les plus frais étant eux accaparés par les habitant·es riches de ces villes, qui de fait subissent le moins les chaleurs caniculaires.

Un maire qui bétonne et n’a toujours pas ouvert le livre » l’Ecologie pour les Nuls » que nous lui avions offert en Conseil Municipal, un gouvernement qui propose des numéros verts quand les dômes de chaleur s’étendent sur le pays. Le Haut conseil pour le climat a jugé dans son dernier rapport annuel que le pays n’est « pas prêt » à faire face au dérèglement climatique qui s’aggrave. En effet, d’ici à 2050, les vagues de chaleur devraient être deux fois plus nombreuses que sur la période 1976-2005, et elles seront plus étalées dans le temps.

Des solutions existent pourtant, mais elles demandent de la volonté politique. En février, une vaste étude scientifique internationale estimait encore qu’adapter nos villes aux canicules en les recouvrant à 30 % d’arbres pourrait réduire les décès liés à la chaleur de près de 40 %. Changer de cap donc, sortir du greenwashing qui couvre l’arrachage d’arbres anciens par des annonces de plantations nouvelles alors que l’on sait que plus un arbre est vieux, plus il capture du dioxyde de carbone dans l’atmosphère pour continuer à croître. Cesser de démolir des bâtiments viables pour reconstruire plus loin alors que le coût carbone des démolitions/reconstructions est lourd et participe à l’étalement urbain et donc l’artificialisation des sols.

Lancer enfin un plan de rénovation thermique et phonique des logements en France comme nous l’ont proposé mes collègues Gabriel Amard et Jean-François Coulomme nous avons proposé une PPL en ce sens qui vise à financer 100 % des travaux permettant de diminuer la consommation d’énergie des bâtiments.

Parmi ces propositions :

Instaurer l’obligation de rénovation thermique des bâtiments, via les dispositifs d’installation de systèmes de chauffage solaire thermique et les obligations faites aux propriétaires bailleurs.

Instaurer les conditions de la prise en charge des travaux par le biais du Fonds pour la diminution de la consommation d’énergie des bâtiments, dont la loi prévoit la création.

Fixer les obligations de procéder aux travaux d’isolation d’un bien au travers d’un diagnostic de performance énergétique établi.

En attendant que des solutions nationales et locales soient enfin prises, avec mon équipe nous allons interpeller Toulouse Métropole Habitat afin que les habitants soient reçus et entendus face aux multiples problèmes qu’ils rencontrent.

C’est la rentrée et il faut trouver les mots

Des mots pour dire qu’un homme est mort assassiné, qu’il s’appelait Samuel Paty. Qu’il est mort parce qu’il a fait son métier : enseigner l’Education Morale et Civique. La liberté d’expression, dont le droit au blasphème des religions, en faisait partie.

Des mots car trois autres personnes sont mortes assassinées aussi dans une église à Nice, parce qu’elles croyaient précisément en une religion.

Des mots sur le confinement après le couvre-feu. Des mots sur les soignant-e-s débordé-e-s.

Des mots qui doivent éclairer un peu toute cette obscurité. Pas évident.

Ces mots j’espérai pouvoir les trouver avec mes collègues lors des deux heures que nous devions avoir en début de matinée pour échanger, se parler. Même ce temps ils nous l’ont enlevé.

Nous allons donc devoir trouver les mots seuls comme souvent. Parce que leur monde d’après à eux ressemble à ça : débrouillez vous. Sa réinvention est donc celle-ci : métro (voiture pour moi) – boulot-dodo. Original.

Que dire alors à nos élèves ?

Des mots sincères et qui rassemblent plutôt qu’ils n’invectivent ou divisent comme ceux de Blanquer.

Des mots qui réconfortent et qui assument leurs responsabilités contrairement à ceux de Darmanin.

Des mots qui n’humilient pas à genoux contre un mur en disant que c’est comme ça qu’une classe se tient sage comme Castaner.

Des mots sur la liberté d’expression, d’où elle vient, notamment des cafés lors de la Révolution, lieux de sociabilité, d’une possible rencontre avec l’autre, aujourd’hui fermés.

Jusqu’où peut t-elle aller ? Rappeler la loi.

Des mots pour expliquer que même quand elle condamne la loi, un milliardaire comme Bolloré peut laisser sur orbite la haine de Zemmour s’exprimer.

Des mots pour dire que oui on a le droit de se moquer, d’insulter, de raconter n’importe quoi comme sur Cnews, que l’on n’est pas obligé d’apprécier cela, c’est même recommandé, et en droit de le critiquer dans le débat public, et même devant la Justice.

Mais jamais dans la violence physique.

Des mots pour raconter que toutes les croyances religieuses ou politiques ont leurs dérives et leurs fanatiques. Que c’est le cas des terroristes islamistes, que c’était déjà le cas dans notre région, en Occitanie, il y a quelques siècles lorsque l’Inquisition Languedocienne catholique chassait tout ce qui ressemblait à un hérétique ou à une sorcière.

Des mots pour montrer que c’est le propre des fanatiques religieux de s’en prendre d’abord à leur coreligionnaire pas assez «purs », et qu’aujourd’hui d’ailleurs les musulmans sont les premières victimes du terrorisme islamiste dans le monde.

Des mots pour rappeler que les fanatismes s’alimentent plus loin qu’entre Nice et Avignon, et que c’est précisément leur objectif de créer une tension inéluctable amenant à une guerre de civilisation ou de religion.

Des mots pour se souvenir que les guerres de religion on a déjà donné en France, au XVIème siècle, entre protestants et catholiques, avec pour point d’orgue le massacre de la Saint-Barthélémy en 1572.

Des mots pour marteler que dans toutes les religions il y a des hommes et des femmes de bien. Il y a des noms qui ont élevé l’humanité, hier et aujourd’hui. Des noms qu’on ne prononce et n’enseigne jamais assez comme ceux d’Olga Bancic, d’Abdelkader Mesli, de Germaine Ribière parmi tant d’autres.

Des noms plus proches avec ou sans religion, ceux de Bârin Kobané, d’Asia Ramazan Antar, d’Arin Mirkan. Trois combattantes kurdes mortes au combat face à Daesh.

Ceux de Frédéric Demonchaux, Olivier Le Clainche, Farid Medjahed, trois français partis aussi combattre Daesh aux côtés des kurdes en Syrie. Morts au combat, et dont les amis politiques sont aujourd’hui traités d’islamo-gauchistes par des politiciens médiocres qui de la main dont ils ne pointent pas du doigt serre celle des pétro-dollars finançant des terroristes islamistes.

Frédéric, Olivier et Farid sont tous trois dans une brigade internationale comme d’autres le firent il y a près d’un siècle de l’autre côté des Pyrénées afin de lutter contre un autre type de fascisme. On les qualifiait souvent à l’époque de « judéo-blochéviques ». Un stigmate chasse l’autre.

Des mots encore pour les kurdes en première ligne du combat contre l’islamisme terroriste, lâché par notre gouvernement lorsque la Turquie lança son offensive contre eux le 9 octobre 2019.

Des mots pour répondre aux questions sur la tension montante avec la Turquie justement, gouvernée par un nationaliste, M. Erdogan. Un pays avec lequel nous avons partagé jusqu’à une de nos exceptions, pas sous la même forme mais avec le même mot : la laïcité.

 Des mots encore donc pour expliquer une énième fois la Laïcité, loi 1905, rien que la Loi. Pas pour contraindre mais pour protéger tous ceux qui croient, et ceux qui ne croient pas.

Des mots pour se méfier de ceux qui projettent leur fantasme d’exclure telle ou telle « communauté » aujourd’hui au nom de la laïcité.

Des mots sans masques pour dire que la période est compliquée, entre ça et le confinement.

Des mots pour les confiné-e-s, celles et ceux qui seront dans des appartements sur-occupés. Des mots pour les parents dans les hôpitaux, à la caisse, à l’usine, sans-emplois.

Des mots sans filtres pour décevoir car il n’y aura pas Lycéens au Cinéma cette année étant donné qu’ils ont fermé tous les lieux culturels.

Des mots pour se protéger en n’oubliant pas d’être légers et de ne pas être trop sérieux, surtout à 17 ans.

Des mots pour acter de ne pas trop attendre  des gens au pouvoir pour respirer un peu mieux dans les décennies à venir et réenchanter un monde qui en a tant besoin.

Des mots pour finir qui rappellent toujours que l’amour des siens ce n’est pas la haine des autres.

PS : Mon obligation de neutralité ne me permettra pas bien sûr de dire tous ces mots. Je ne nommerai donc aucun ministre actuel, ni le gouvernement et n’émettrait aucun avis d’ordre politique. Comme je m’y suis toujours attaché dans mes cours et m’y attacherai sans cesse.

Je préfère le préciser, car M. Blanquer, chantre de la liberté d’expression, a fait sanctionner au Havre en 2019 une directrice d’école qui a eu le malheur de critiquer sa réforme depuis sa boîte mail académique…. Une réforme qui s’en prend précisément à la liberté d’expression des enseignants et fait régner un climat de suspicion que je préfère déminer dans ce Post Scriptum. Bon courage à tous mes collègues, aux élèves, à leurs parents.

Crédit photo: Tien Tran

Ebru par dessus les toits…

Le Comité de soutien à Ebru Firat a demandé la contribution de militant-e-s pour poursuivre la campagne demandant sa libération. Voici la mienne: Depuis septembre dernier le ciel est moins léger à Toulouse, les reflets de brique sont plus acides. La tragédie que vit Ebru Firat nous touche forcément, tant elle pourrait être une connaissance, notre camarade, notre amie, notre fille, notre sœur.

Depuis septembre dernier le ciel est moins léger à Toulouse, les reflets de brique sont plus acides. La tragédie que vit Ebru Firat nous touche forcément, tant elle pourrait être une connaissance, notre camarade, notre amie, notre fille, notre sœur. 

Je ne connais pas Ebru mais quelque chose dans son visage m’est forcément familier, un sourire, une lumière dans le regard qui marque toute l’espérance et la volonté avec lesquelles peuvent parfois s’engager les jeunes dans des combats pour un monde meilleur, plus juste, plus tolérant. Et quel combat ! Partir au côté du peuple kurde pour lutter contre Daesh et les despotes de la région Erdogan en tête. Tout laisser pour ses idées, dans l’ombre sans lumière, en toute humilité, pour lutter aux côtés d’un peuple, qui est aussi le sien, opprimé de manière séculaire. 

Ebru Firat est une combattante kurde, emblème de la lutte pour l’émancipation des minorités, emblème de la lutte contre le patriarcat, une place des femmes qui donne à penser dans notre pays où à travail égal les femmes touchent moins que les hommes. 
Le DAL, qui fait partie du réseau international No Vox, rassemblant des mouvements luttant pour le droit au logement mais aussi pour le droit à la terre, se sent forcément proche de celles et ceux qui se battent pour les arpents de leur peuple comme c’est le cas au Rojava. Le DAL se sent forcément proche de toutes les femmes qui luttent pour l’égalité, nos luttes étant le plus souvent menées par elles qui prennent leur destin en main ainsi que celui de leurs familles
.
Ebru Firat est aussi une étudiante toulousaine, issue d’une génération qui prend la dégradation des conditions de vie de plein fouet dans l’Hexagone, et qui voit poindre à l’horizon un hiver inquiétant où le repli sur soi et l’intolérance tombent comme de la neige sombre sur notre société. Ebru de cette jeunesse qui s’est mise debout au printemps dernier devant une loi incarnant à elle seule tous les désirs de la Troïka. Ebru de cette jeunesse que l’on dit souvent nihiliste, désabusée, mais qui est bien vivante et qu’on n’empêche pas de rêver même quand on essaie de réduire son temps de repos. Ebru, d’une jeunesse qui a en fait plus d’un idéal dans son sac et qui a la lourde mission de faire face à l’hiver qui vient. Ebru, d’une jeunesse à qui il reste l’espoir comme numéro d’écrou.

Ebru dans son combat, derrière ses barreaux est une des nôtres. Nos luttes peuvent sembler dérisoires par rapport à la sienne, mais il est de notre devoir de lutter où l’on est, près de nos murs, dans nos quartiers, dans notre ville qui est aussi la sienne. Ebru, nos luttes c’est notre manière de ne pas oublier celles et ceux qui sont passé-e-s avant nous, celles et ceux qui comme toi sont privé-e-s de liberté, celles et ceux qui partout dans le monde refusent la fatalité. 
Ebru, nos luttes c’est notre manière de t’envoyer un mandat. Un mandat par dessus leurs murs, un mandat entre leurs barreaux, un mandat par dessus leurs toits. On pense à toi.

François Piquemal (Porte-Parole Sud Ouest DAL).

https://www.facebook.com/Libert%C3%A9-pour-Ebru-Firat-1661001054210428/

https://www.change.org/p/jean-marc-ayrault-libert%C3%A9-pour-ebru-firat?recruiter=616821107&utm_source=share_petition&utm_medium=copylink

Garde Ta Ligne!

Je ne me souviens plus de la première fois où j’ai pris le train, ni de ma première bouchée de pain. Par contre je me souviens bien de mon premier vol en avion et de de la première fois où j’ai goûté du foie gras. A bien y penser rien d’étonnant. Prendre les trains est pour beaucoup d’habitants de la France aussi courant que la baguette au repas.

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 Une question

Je me souviens plus de mon premier train, mais je me rappelle bien les prairies, les collines, les montagnes au loin, les arbres, le ciel gris qui varie au fil des kilomètres, le fil bleu à l’horizon qui est l’océan, les zones boisées, les zones périphériques, la ville, les villes : l’apprentissage des paysages d’un pays.

Je ne me souviens pas de mon premier train mais je me souviens bien de la première question qu’il m’a posé liée à la découverte des wagons du bout du train dans lesquels mes parents et moi n’étions pas autoriser à nous asseoir. Pourtant en me promenant dans le train ou en suivant les grands au wagon-restaurant, j’avais bien saisi que ces wagons « numéro 1 », c’était comme ça que je les appelais, étaient plus spacieux, avec des fauteuils plus confortables. Je découvrais alors la Première et la Deuxième classe.

J’avais du mal à saisir, que la Première soit réservée à quelques uns, et je proposais pour résoudre ce problème d’envisager une rotation parmi les voyageurs durant le voyage. Après réflexion, face à la complexité de passage qu’aurait produit un tel mouvement, j’en arrivais finalement à une option plus simple : aménager tous les wagons de Seconde classe en Première classe afin que tout le monde puisse profiter d’un meilleur confort. Etonnamment le bon sens ou un certain altruisme ne me faisait pas pencher pour une transformation des wagons de Première en wagons de Seconde classe.

C’est pourtant cette dernière solution que porte en somme le gouvernement dans la réforme sur la SNCF. Au lieu de tendre à ce que le reste des salariés du pays puissent atteindre les supposés « privilèges » des cheminots, qu’il serait plus juste d’appeler des « droits », il préfère niveler par le bas.

La cavalerie lourde

Et pour faire passer cette « réforme » régressive, Messieurs Philippe et Macron peuvent compter avec leur cavalerie lourde pour relayer sur les ondes radios et télévisées les fantasmes sur les cheminots privilégiés. Bien sûr ceux qui se fendent du « courage » de s’attaquer au statut de cette profession en ont beaucoup moins quand il s’agit de s’interroger sur le fait qu’un humain, Bernard Arnault, puisse en deux secondes toucher ce que gagne une grande partie de ces mêmes cheminots en un mois. Le pire de cette communication, aussi malhonnête que balourde, est qu’en partie elle fonctionne.

A croire que vouloir rendre son voisin aussi infortuné que soi semble un mantra toujours efficace, faisant appel à un bas instinct que l’on a tous connu au boulot: on est tous notre privilégié du quotidien, le collègue qui en fait un peu moins, l’ami qui a des meilleures horaires que nous…Mais franchement en quoi le fait que les cheminots aient moins de droits que nous va améliorer notre quotidien?

Comme l’a bien dit M.Besancenot on est tous le cheminot de quelqu’un. A fortiori lorsqu’on le côtoie quotidiennement, contrairement aux PDG du CAC 40. Car si le mantra fonctionne c’est finalement que le cheminot paraît atteignable à tous les habitants quand le PDG aux profits mirobolants semble lui trop éloigné pour que l’on s’attaque à ses vrais privilèges.

Quand on déclare la guerre au mauvais ennemi, on mène toujours de mauvaises batailles, à l’instar de celle que mène le gouvernement en se servant des « usagers » comme chair à canon médiatique pour prendre en otage le service public du rail.

La seule chose qui ruisselle actuellement c’est la précarité

C’est bien de cela dont il faut convaincre toutes celles et ceux qui s’y font embrigader, les encourager à la désertion de l’armée de la rigueur et de la casse du service public. Faire comprendre que ce qui est en jeu c’est de garder nos lignes, les petites et les grandes, et que cela passe par garder la ligne des cheminots pour en faire une ligne d’horizon à atteindre pour tou-te-s à court terme. Car bien sûr si la ligne des cheminots se brise, c’est toutes les autres qui vont subir le poids du ruissellement de la précarité derrière, et à propos de ruissellement, il serait bon de rappeler que la seule chose qui ruisselle des réformes gouvernementales c’est bien la précarité : APL, retraites, service public des transports…Soutenir les cheminots n’est pas une histoire de posture, c’est un choix de société entre vouloir tendre à plus de droits sociaux ou le rabaissement de ceux de tous, c’est un choix entre l’ambition et la médiocrité. Le gouvernement actuel ne déroge hélas pas des précédents en préférant la seconde.

Trente ans après mon premier train, il y a toujours une Première et une Seconde classe, et les gouvernements du néo-libéralisme, de la rigueur, du « réformisme », de la « concertation », de la « modernisation », nous ferons toujours voyager en seconde. Jusqu’ici ils étaient obligés de nous supporter à quelques wagons d’eux, désormais le projet sans projet de l’ex candidat Macron prend forme : la Première sera dans l’avion ou sur les LGV, la Seconde dans les covoiturages ou dans les bus mis en place par ses soins mais que lui et ses amis ne prennent jamais. Les gens qui réussissent et ceux qui ne sont rien se croiseront peut être encore dans les gares mais ne prendront plus les mêmes trains ensemble. La boucle sera bouclée.

Viser la Première plutôt que l’accoudoir

La voilà la « modernité », des bus qui cassent le dos et nous éloignent le uns des autres, des bus qui passeront peut-être par les villes ou villages où des gares ont déjà été supprimées et ou certaines risquent de disparaître dans la continuité de la réforme actuelle. Il n’y pas qu’un statut, il y a un service public, l’accès des transports pour le plus grand nombre, peu importe où l’on se trouve sur le territoire. Les trains c’est du patrimoine, du bleu en Bretagne, de l’orange en France Comté, du quotidien, des souvenirs mêlés, des histoires, des retards parfois, des séparations douloureuses, des retrouvailles aussi, des paysages, un exploit technologique qui nous met à une journée de Lille quand on est à Toulouse, une carte postale de la France à l’étranger. C’est notre enfance, et même allons plus loin, c’est aussi un peu de notre identité qu’on démantèle.

Trente ans après ma question reste en suspens. La réponse du gouvernement à cette question est d’attaquer les « privilégiés » de la Seconde qui ont droit à 2 centimètres d’accoudoirs en plus que leurs voisins. Peu convainquant. Je n’ai pas renoncé à m’asseoir sur les fauteuils de la Première, mais je sais que je ne m’y sentirais vraiment à ma place que si tout le monde peut faire de même. Les fauteuils de la Première classe ça fait longtemps qu’ils devraient être dans tous les wagons au prix de la Seconde, c’est cela le sens du progrès et de la modernité, comme l’éducation et la santé pour tous pourtant réservées à la Première au temps rêvé de M. Macron….