Jeudi dernier a eu lieu à Toulouse une mobilisation nécessaire des élu.e.s locaux pour protester contre les coupes budgétaires imposées par le gouvernement Barnier. Si la majorité d’entre elles et eux étaient sincères dans cette démarche, d’autres avaient semble-t-il mis leur plus beaux masques pour le bal.
En choisissant arbitrairement de nommer un Premier Ministre de droite plutôt que de suivre la seule majorité claire au Parlement, Emmanuel Macron a délibérément préféré imposer la souffrance: l’austérité, pas la relance.
Les décisions du gouvernement Barnier affecteront à long terme la vie des Français.e.s comme l’ont tenté les gouvernements grecs et portugais sous l’impulsion du FMI en 2010. Peu s’en souviennent comme d’une glorieuse époque.
Alors que le gouvernement prévoit d’imposer un effort sans précédent aux Français.e.s, une double peine s’ajoute à travers la baisse de dotation des collectivités territoriales. Au total, ce sont 5 milliards d’euros qui seront ponctionnés sur leur financement par l’État central. À Toulouse, la ville devra compenser une perte de 70 millions d’euros, malgré ses besoins émergents liés à son essor et son dynamisme, ou ses besoins existants déjà délaissés par la mairie.
Ayant refusé toute forme d’indépendance budgétaire, les élus locaux se lamentent et quémandent à Paris des miettes pour garder la face. Quelques 110 maires locaux étaient ainsi réunis jeudi dernier devant la préfecture, représentants de l’État dans les territoires, pour témoigner timidement leur désaccord. Pourquoi une telle tiédeur ? La situation n’appelle-t-elle pas à plus de véhémence, soulignant sa gravité ?
Un mouvement global de désengagement de l’État dans les territoires a forcé les collectivités à faire plus avec moins: les ressources et les leviers d’action locale ont été progressivement rognés par les gouvernements successifs.
En échange, l’État devait compenser financièrement. Pourtant la ville de Toulouse n’a toujours pas reçu l’intégralité de cette somme, la mairie ne semblant pas spécialement attachée à la récupération de son dû. Peut-être de peur de froisser les gouvernants parisiens ?
En réalité, l’équipe municipale toulousaine s’est contentée de cette perte de pouvoir : plusieurs de ceux que nous avons vu manifester jeudi dernier, monsieur Moudenc en premier, ont affiché publiquement et à plusieurs reprises leur soutien aux différents gouvernements responsables de ce déséquilibre entre l’État et ses territoires, en particulier depuis 2017.
Ceux-là mêmes pleurent aujourd’hui les actions des gouvernants qu’ils ont contribué à mettre au pouvoir, s’étant réjouis de perdre leurs capacités d’action malgré une augmentation de leurs responsabilités. Ils s’en mordent aujourd’hui les doigts, sur des mains qu’ils ont volontairement liées.
C’est la raison pour laquelle j’ai, par exemple, défendu le retour de la taxe d’habitation ou de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises. Non par simple fascination pour l’impôt, mais bien pour permettre aux communes d’agir comme bon leur semble, selon leurs priorités propres.
Il n’est pas non plus anodin que ce gouvernement s’attaque à l’échelon local, réelle interface au plus proche des citoyens et de la démocratie, seule capable de relier les demandes d’en bas avec les décisions d’en haut dans l’esprit communaliste qui est le nôtre. Ainsi ce gouvernement n’entend pas seulement se lier les mains : il s’assure également que ses oreilles soient efficacement bouchées.
Les conséquences de ces choix et de ces inactions locales seront très concrètes : des emplois publics ne seront pas créés, des projets seront mis à l’arrêt, les services publics risquent de se dégrader. Jean-Luc Moudenc a ainsi annoncé d’ores et déjà retirer le financement de la ville à l’enseignement supérieur et de la recherche. Un désaveu dans notre ville étudiante, qui rayonne internationalement et requiert un appui stable.
Les politiques d’adaptation au changement climatique vont également en pâtir, puisque la ville est le seul échelon capable d’envisager et de mettre en place directement des solutions d’avenir, qui changent la vie pour toutes et tous.
La situation a quelque chose d’absurde. L’État travaille contre les collectivités, qui ne demandent qu’à travailler avec. Les moyens baissent alors que les besoins augmentent, et les tensions réelles risquent de s’exacerber. Les élus locaux ayant soutenu leur asservissement progressif se réveillent aujourd’hui, malgré nos voix constantes les ayant prévenus.
Il reste à espérer que le réveil de ces élu.e.s soit sincère et prenne une ampleur proportionnée au risque social qui guette, et non une indignation de façade qui ne vise pas réellement à changer l’action de leurs alliés politiques.
L’accueil élogieux des représentants du gouvernement à Toulouse semble toutefois favoriser la deuxième hypothèse. C’est alors à travers la démocratie qu’il s’agira de demander le respect de nos conditions de vie et de nos droits sociaux.