Lodève, 6 mai 2023 – Où il est question de villas, de cardio et de Bernard Tapie

Connaissez vous Lodève ? C’est une des 99 communes de la circonscription de mon collègue LFI-Nupes Sébastien Rome et la sous préfecture de l’Hérault avec Beziers. 
A moins d’une heure de route de Montpellier, de la même manière qu’Alès fait figure de porte du sud des Cévennes, Lodève est celle du Larzac. Fait notable, cette petite commune est l’une des rares de moins de 10 000 habitants à avoir été sélectionnée dans le premier programme national de l’Anru.
Cela est lié à deux facteurs. D’abord malgré sa petite taille, Lodève était dans les années 1980 classée Zone Urbaine Sensible avec pas moins de trois de ses quartiers concernés. Ensuite car le maire de l’époque, Robert Lecou, était un proche de Jean-Louis Borloo, Ministre de la Ville et grand créateur de l’Anru ce qui facilita le fléchage de Lodève dans les villes bénéficiant du programme. 
C’est avec Sébastien et son équipe que cette histoire m’est racontée, d’abord dans les petites rues de Lodève avant de prendre de la hauteur comme nous allons le voir. Nous sommes accompagnés par l’historien Bernard Derrieu qui en connaît un bout, comme Sébastien d’ailleurs, sur l’histoire de la ville et affectionne aller recueillir les témoignages des habitants.
Lodève concentre un habitat ancien très dégradé en son centre, ce qui fait que beaucoup de logements sont vacants. Des immeubles entiers sont vides à l’image de la paupérisation de la ville, qui est une centralité pour l’emploi mais plus pour l’habitat. Celles et ceux qui en ont les moyens préfèrent aller vivre dans les villages alentours, et revenir à Lodève pour le travail ou son fameux marché du samedi matin.
L’ANRU a laissé place à d’autres dispositifs « centres bourgs », « petites villes de demain », centrés sur l’Anah mais avec des aides très limitées, comme ma Prime Renov, dont on sait qu’au rythme où elle fonctionne 2000 ans seraient nécessaires pour rénover le parc de logements passoire thermique en France.
Là encore en se promenant dans la ville, il semblerait utile de systématiser  les diagnostics préalables afin que soit de  savoir s’il convient de détruire ou réhabiliter tel ou tel immeuble. Cela réclame des moyens financiers et réglementaires coercitifs bien plus au-delà de ceux qui existent  actuellement. 
Pour remédier à la problématique de la vacance du logement, une des idées intéressantes de Sébastien serait de mettre en place des Offices Fonciers Solidaires, avec du Bail Réel Solidaire. Le principe du bail réel solidaire (BRS) est la dissociation du foncier et du bâti qui permet de baisser le prix des logements : vous achetez uniquement le logement et vous louez le terrain à un Organisme Foncier Solidaire (OFS) pour un loyer faible, en signant un bail réel solidaire, d’une durée comprise entre 18 et 99 ans. Cela permettrait aussi d’avoir une réponse pour reprendre la main sur les espaces communs des copropriétés et de mixer le type de logement ou d’habitants dans ces immeubles (acces à la propriété, locataire, locataire social).
 
 
Mais revenons à nos moutons, à Lodève l’ANRU a été employé dans trois projets, les deux premiers sont jugés de manière contrasté voire négative dans leur rendu sous fond de conflits entre municipalités successives, mais nous allons nous intéresser au troisième, qui montre une vraie particularité. 
Nous voici sur un petit pont médiéval attenant au centre de Lodève que nous traversons au-dessus d’une des deux rivières de la ville, ici La Soulondres. De là un panneau indique les « Hauts de Montbrun » et une pente raide à effrayer un sprinteur du tour de France. C’est aussi l’occasion de vérifier que j’ai quand même un meilleur cardio que Sébastien Rome tant au fur et à mesure de la montée, je sens que ces mots sont plus espacés. À sa decharge il a dix ans de plus. Cela ne l’empêche pas de m’expliquer que l’on arrive sur un quartier qui était autrefois nommé la Cité de Montifort. Le nom a été changé lorsque les immeubles de cette cité ont été détruits. Un « naming » comparable à celui observé à Montpellier avec La Paillade/ La Mosson. Une ancienne photographie en noir et blanc nous montre la cité d’alors, bâtie sur une carrière, bordée par les contreforts du paysage lodévois. En grimpant, Bernard me dit que désormais les immeubles ont été remplacés par des villas !
Je m’attends donc à voir sur ce promontoire des maisons avec piscine résidentialisées, avec barrières et digicodes à chaque entrée. Je tombe plutôt sur des petites maisons colorées mitoyennes entre elles, assez loin des villas que j’imaginais. 
Nous déambulons dans plusieurs lotissements de ces maisons, et tombons sur un de ses habitants, Roland, un maçon retraité qui est ravi de pouvoir échanger avec nous sur l’histoire du quartier. Il était même présent lors de la construction du grand ensemble de Montifort, c’était une époque où Lodève avait plusieurs entreprises qui faisait d’elle un bassin d’emplois industriel. Outre l’usine textile Dimtex, la plus célèbre était la Cogema qui exploitait une mine d’uranium, puis avec le chômage montant les difficultés ont commencé à poindre dans le grand ensemble. Des habitants partaient essayer de trouver un travail ailleurs, les problèmes sociaux arrivèrent, et lorsqu’en 2003 Lodève fut choisie dans les programmes ANRU il fut décidé de procéder à la démolition de la cité.
Je demande à Roland s’il est propriétaire de sa « villa » et à mon grand étonnement il me répond que toutes les maisons sont en fait des logements sociaux. Et pour le moins accessibles puisqu’à titre d’exemple la sienne qui contient un salon, une salle d’eau, une cuisine, un garage et deux chambres lui revient à 460 euros par mois. Il dispose même d’un jardin de 100m², dont il est très heureux de nous montrer l’excellent entretien. « Dès qu’une des maisons se libère, il y a beaucoup de demandes. » On comprend étant donné l’emplacement et les loyers accessibles de ces logements.
D’après Roland, tout le monde s’entend très bien dans le quartier, ils s’invitent régulièrement avec ses voisins marocains. 
 
 
L’opération ANRU qui s’est produite ici a donc consisté à la démolition de 194 logements dont 65 étaient encore occupés en 2003. Ceux-ci ont été remplacé par ces 75 villas, qui du point de vue de l’habitat, de leur aménagement et de leur accessibilité sont des réussites. 
Beaucoup d’habitants qui vivaient dans la cité ont ainsi pu rester sur leur lieu de vie, toutefois par une simple soustraction reste la question des 129 logements et de leurs habitants restants. Où sont-ils allés ? Comment ont-ils été relogés ? Des questions lancinantes de la rénovation urbaine, dont un des grands objets reste le déplacement de population.
Près des lotissements on trouve un City Stade que Sébastien Rome tient à me montrer car lui qui a été élu municipal sait que ce genre d’équipements sportifs est typique de la rénovation pensée par Jean-Louis Borloo. Ce dernier n’était pas qu’un ami du maire lodévois de l’époque, mais aussi de Bernard Tapie. Enfant des quartiers populaires et même du communisme municipal, celui-ci est imprégné d’un néo-libéralisme mâtiné de social notamment à travers le sport comme levier d’émancipation. les  premières.heures de la politique de la ville peuvent se résumer à une volonté du pouvoir à canaliser et “tenir” les corps des garçons des quartiers. 
On est sur une facette marquante de cette volonté et de cette vision assez caricaturale des quartiers où l’on doit en faire sortir les pépites par un plus grand controle social  ou de permettre à ceux qui ont la chance d’avoir un  talent sportif de se destiner à une carrière professionnelle, comme si les jeunes de ces quartiers devaient y être cantonnés. Et en même temps parmi les équipements qu’il nous ait donné de voir lors de nos visites de quartiers de la rénovation urbaine, les City Stade restent les plus utilisés par les jeunes des quartiers.
Nous sommes à Lodève une ville qui porte encore les stigmates de la désindustrialisation, des effets collatéraux de la métropolisation. Pourtant depuis les Hauts de Montfort en regardant la ville de haut on ne peut voir que son potentiel de ville d’avenir, bordée d’espaces naturels, et de logements en son centre qui ne demandant qu’à revivre.

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