Pour une ville OKLM

10 fois plus de débit, 10 fois plus d’objets connectés simultanément, 10 fois moins de temps de réponse, c’est ce que promet la 5G. Toulouse va passer à la 5G dès son lancement commercial en 2020. Des antennes ont déjà été installées dans notre ville, notamment dans le secteur de Francazal.

L’arrivée de la 5G est annoncée en grande pompe par l’actuelle municipalité, comme un élément d’attractivité pour notre ville. Pourtant, derrière cet argument discutable, se cache un envers du décor beaucoup moins idyllique. Ainsi, pour que le réseau soit efficace, il faudra ériger beaucoup plus d’antennes-relais, environ une tous les 1 500 mètres. À terme, 20 000 satellites transmettront les données, partout sur terre.

Cette condition risque d’étendre le nombre de personnes électro-hypersensibles, déjà estimé à plusieurs millions en France, un risque sanitaire dénoncé par de nombreux chercheurs. En 2017, 180 scientifiques et médecins du monde entier avaient signé « l’EU 5G Appeal », qui réclamait l’arrêt du développement de la 5G, jusqu’à ce qu’il soit établi qu’elle ne présente aucun danger. Parmi eux 5 Français : Marc Arazi, physicien ; Dominique Belpomme, professeur de cancérologie à l’université Paris-Descartes ; Philippe Irigaray, docteur ès Sciences en biochimie ; Vincent Lauer de la coordination nationale contre les antennes-relais ; et Annie Sasco, médecin épidémiologiste du cancer. La ville de Bruxelles a même mis fin à son expérimentation, refusant que ses habitant-e-s soient des rats de laboratoire.

Mais au-delà de ce risque sanitaire, la 5G pose la question de la ville connectée à tout prix, y compris celui de la destruction écologique, car tout un tas d’objets connectés énergivores verront le jour pour s’adapter à ce changement de technologie. À tel point que certains parlent ‘’de changement sociétal sans précédent à l’échelle mondiale’’, avec l’arrivée de nouveaux objets connectés, 155 milliards d’ici 2025 » [1], auxquels il faudra bien se résoudre, pour une grande partie des personnes, à acheter pour rester ‘’connecté’’. »

L’installation de la 5G, incitant à aller toujours plus vite sans savoir bien pourquoi, montre une nouvelle fois le décalage entre la communication sur l’écologie et les actes réels.

Finalement, alors que 11 millions de personnes en France sont touchés par la précarité numérique, est ce qu’une ville intelligente est celle qui dispose de la 5G ou celle qui garantit un accès et une formation au numérique à toute-s- ses habitant-e-s ? Dans quelles villes voulons-nous vivre ? Des villes où tout va toujours plus vite ? Où les liens se défont; ou au contraire construire une ville où il est possible de refaire communauté ? Si tel est notre chemin, alors il faut repenser le temps dans nos villes, plaider pour des « villes au calme », face aux villes de la CAME.

La CAME, c’est la mythologie mortifèrere de nos élites obsédées par la Compétitivité, l’Attractivité, la Métropolisation et l’Excellence. Ce concept a été forgé par l’économiste Olivier Bouba-Olga et le sociologue toulousain Michel Grossetti. Il désigne le logiciel de pensée qui guide les politiques publiques et les grands projets qui se développent dans toutes les grandes villes françaises.

La CAME met en concurrence les villes entre elles, mais aussi leurs populations. C’est la guerre de tou.te.s contre tou.te.s. Au nom de l’attractivité, les processus de gentrification sont imposés, le patrimoine historique des villes bradé, leurs centres-villes « aseptisés » des classes populaires. On tue les villes et leurs identités, on arrache leurs âmes. Toulouse n’est pas en reste de ce point de vue là : Place de l’Europe, Quai Saint-Pierre, La Grave, Place Saint-Sernin, Quartiers de la gare… On ne compte plus les lieux du centre-ville livrés à la gentrification au nom de la CAME.

Cette overdose conduit aussi à multiplier les grands projets inutiles et énergivores. Ici la Tour d’Occitanie et son quartier d’affaire compteront 300 000 m² de bureaux alors que 240 000 m² sont aujourd’hui vides à Toulouse. Là le nouveau Parc des Expos surdimensionné. Tous deux au nom de leur prétendue capacité à attirer les « touristes d’affaires ». Les politiques publiques d’aménagement ne se font plus d’abord pour les habitant-e-s mais pour les ultra-riches.

La plupart des élites politiques des métropoles sont aujourd’hui intoxiquées à la CAME, et ne se rendent pas compte que leur dépendance nous envoie dans le mur du désastre écologique et de la guerre sociale, titre de l’excellent livre de Romaric Godin. Nous devons changer de logiciel. Rapidement.

En effet, aucune considération ni sociale ni écologique n’est prise en compte par la CAME : ségrégation urbaine, privatisation des espaces, minéralisation et artificialisation des sols, îlots de chaleurs, etc. Ce qui guide tout ça : une visée économique pourtant très discutable.
C’est de cette overdose intenable pour la vie et l’écosystème qu’il faut sortir, c’est un nouvel horizon pour la ville qu’il nous faut tracer. Finie la ville qui carbure à la CAME, à nous de construire une ville désintoxiquée, une ville au calme.

Qu’est-ce que serait une ville plus calme ?

Une ville libérée du tout marchand, au sein de laquelle tout ne se vend pas et ne s’achète pas. Une ville dans laquelle la décélération permet de construire une meilleure relation à soi, aux autres et à l’environnement. Une ville où l’on se réapproprie le temps afin de pouvoir répondre aux besoins et prendre soin de chacun.e.

Une ville où il n’y a peut-être pas la 5G dans le métro, mais où celui-ci est accessible logistiquement et financièrement à tous les habitants et où ceux-ci peuvent s’ils le souhaitent échanger quelques mots au-delà du clavier de leurs écrans bleutés.
Une ville où l’on prend le temps d’un apéro avec ses amis, d’aller au cinéma avec sa famille, de préparer à manger et de partager un repas avec ses proches un dimanche, d’accompagner le petit dernier à son match de rugby, d’aller voir l’aînée jouer son match de foot.
Une ville où l’on a pris le temps de connaître le prénom de l’ancienne de l’immeuble et du boulanger du quartier.

Une ville où chacun.e perçoit un avenir commun et rayonnant pour tou.te.s, sans distinction aucune.

Reconquérir le temps, c’est ne plus nous laisser piéger par les gadgets de la CAME à l’image de la 5G ou de la seconde rocade promise par le maire actuel et qui ne fera qu’amplifier le trafic autoroutier, lorsque ceux qui utilisent leur voiture au quotidien perdent déjà 6 jours par an dans les bouchons.

Une ville au calme nécessite de changer de modèle sur un certain nombre de sujets : numérique, transports, aménagements des quartiers, gestion du temps dans la ville. C’est une reconnexion aux autres, à celles et ceux qui partagent la ville avec nous, mais aussi aux écosystèmes qui nous entourent. C’est se mettre sur le bon chemin face à l’urgence écologique et climatique et les nécessités d’une réelle vie en commun.

Une ville d’où l’on voit les étoiles

J’ai récemment profité de quelques jours durant les vacances de la Toussaint pour partir m’oxygéner en Aveyron, non loin du Larzac. À chaque fois que je quitte Toulouse pour une zone moins urbaine, une des choses qui me frappe est la présence des étoiles. Ces lieux deviennent des réserves nocturnes d’astres, à l’inverse de nos grandes villes, Toulouse y compris.

Quel paradoxe pour la ville de l’aérospatial, qui possède une Société d’Astronomie Populaire très active avec l’Observatoire de Jolimont, de ne pouvoir contempler que si peu d’étoiles lorsque nos yeux se dirigent vers le ciel de nos nuits !

Ce phénomène n’est certes pas propre à Toulouse, il est global. Selon le New World Atlas of Artificial Night Sky Brightness, en Europe et aux États-Unis, quelque 99 % de la population vit sous un ciel nocturne orangé, où les étoiles s’éteignent… Comme le dit Travis Longcore, spécialiste de l’écologie urbaine et dont les travaux portent sur les moyens de calculer l’ « illuminance horizontale » (comment la lumière artificielle est réfléchie par les nuages et le sol selon les conditions météorologiques) : « Quelle chose horrible pour nous, en tant qu’espèce, de vivre dans un crépuscule permanent et de ne jamais être en mesure de voir les étoiles ». Selon une version mise à jour de l’Atlas mondial de la pollution lumineuse, publiée en juin 2016 dans Sciences Advances, 60 % des Européens et 80 % des Américains ne peuvent plus voir la Voie lactée à l’œil nu…

Lentement mais sûrement, la pollution lumineuse dévore le ciel nocturne, si bien qu’il devient de plus en plus compliqué de distinguer la nuée blanche de la Voie lactée et ses milliers d’étoiles. Cette pollution provient de sources diverses d’éclairage artificiel : lampadaires, enseignes lumineuses des magasins, spots des hangars industriels, pylônes des stades… Nous pouvons observer dans le ciel un halo orangé, qui n’est pas le reflet de nos briques foraines, mais le réceptacle des rayons lumineux qui se réfléchissent sur les gouttes d’eau, ou la pollution contenue dans l’air, amenuisant l’éclat d’ébène de nos nuits, et par là même celui des étoiles.

Cette pollution lumineuse n’est pas qu’une question esthétique, elle est un problème environnemental et de santé. En effet, le cycle de notre sommeil en est affecté. Ce dernier, appelé aussi cycle circadien, très précis, régule les niveaux de nos hormones, la température de notre corps, l’activité cérébrale et tout un ensemble de fonctions physiologiques qui s’appuient sur les variations de la lumière. On comprend dès lors l’impact que peuvent avoir les lumières artificielles sur nos organismes, à l’heure où les équipements lumineux des villes modernes se composent de plus en plus d’éclairages à LED, situés dans les mêmes fréquences lumineuses que la lumière bleutée de nos écrans d’ordinateurs, des téléviseurs ou des téléphones. Une lumière qui selon plusieurs études perturbe la sécrétion de mélatonine, l’hormone qui prépare notre corps au sommeil. Les troubles du sommeil peuvent avoir des liens avec le diabète et l’augmentation des risques de cancers du sein et de la prostate.

La pollution lumineuse n’est pas que le tombeau de nos cycles de sommeil, elle est aussi celui des lucioles. Ainsi, des scientifiques ont mis au jour qu’elle impactait la reproduction de certains animaux, dont celle des lucioles. Ces coléoptères offrent un autre type de lumière, plus fragile, que les lucioles mâles ne perçoivent plus chez les lucioles femelles.

La lumière artificielle affecte en réalité tous les êtres vivants, comme l’indique Jean-Philippe Siblet, directeur du Service du patrimoine naturel au Muséum d’Histoire naturelle de La Réunion : « Elle ne fait pas que modifier l’environnement nocturne, elle altère les cycles journaliers et saisonniers. » Elle oblige aussi plusieurs espèces de mammifères à mener une vie décalée pour tenter de retrouver un peu d’obscurité. Le comportement de 62 d’entre elles, sur toute la planète, a été l’objet de 76 études, synthétisées dans la revue américaine Science, le 15 juin dernier. Résultat : en vingt-cinq ans, leur part de vie nocturne a augmenté de 36 % en moyenne. Le monde végétal est également concerné. Ses mécanismes utilisant naturellement la lumière, comme la photosynthèse et la pousse, peuvent varier en vitesse ou se retrouver en décalage par rapport aux saisons.

Les chercheurs savent dorénavant mesurer cette pollution lumineuse et la cartographier. Le constat est très inquiétant puisqu’en France 90 % du territoire est affecté par celle-ci.

Alors que faire ? Accepter que la situation se détériore encore et que la luminosité des étoiles devienne une ressource rare et inaccessible au plus grand nombre ? Sanctuariser les rares arpents de ciel préservé ? Ou pire, les laisser devenir la proie de ceux qui spéculent sur tous les biens communs de l’humanité, ici notre univers, livrant, après la guerre de l’accès à l’eau, une guerre de l’accès aux étoiles ?

La question, comme l’indique à juste titre Samuel Challéat, chercheur en géographie de l’environnement à l’université de Toulouse-Jean Jaurès, est aussi culturelle et idéologique : « Jadis, la lumière incarnait l’outil du progrès, du savoir face à l’obscurantisme, contre la peur du noir et son insécurité. Or ce marqueur de l’activité humaine est maintenant considéré comme une gêne, voire une pollution dégradant l’environnement. »  

Face à ce défi, un des collectifs en pointe est l’Association Nationale pour la Protection du Ciel et de l’Environnement Nocturnes (ANPCEN). En décembre dernier il a obtenu du gouvernement, après un recours devant le Conseil d’État, de nouvelles mesures qui complètent celles annoncées dans un arrêté de 2013 pour réguler l’éclairage nocturne des bâtiments non résidentiels (vitrines, façades et bureaux non-occupés). Ces mesures restent néanmoins insuffisantes car non accompagnées d’un réel plan d’action. Une habitude pour un gouvernement qui ne prend pas en compte de manière conséquente la question environnementale. Ici, c’est finalement du côté des communes que se trouvent les alternatives et les bonnes volontés. 12 000 d’entre elles pratiquent déjà une extinction lumineuse en milieu de nuit et 574 sont labellisées « Villes ou villages étoilés » par l’association. Ce label, valable quatre ans, récompense les communes engagées dans des démarches volontaristes d’amélioration de la qualité de l’environnement nocturne. Qu’en est-il à Toulouse ?

Récemment, l’association France Nature Environnement (FNE) Midi-Pyrénées y a mené plusieurs observations pour évaluer le nombre de commerces restants allumés entre 1 h et 7 h du matin sans activité et participant ainsi à la pollution lumineuse. En 2017, elle avait enregistré 92 commerces dont la vitrine était illuminée entre 1 h et 7 h du matin dans 27 rues de l’hyper-centre toulousain. La FNE a relancé l’opération le samedi 1er juin dernier  avec l’aide des mouvements Action Non-Violente COP21 et Youth For Climate Toulouse afin de faire un constat de la situation deux ans après la précédente maraude. Sur 97 rues parcourues, 361 commerces avaient leur vitrine allumée entre 1 h et 7 h du matin. Un chiffre encore important, alors qu’un décret oblige les commerces à éteindre leur vitrine de 1 h à 6 h du matin. Cela révèle la nécessité de sensibiliser les commerçant-e-s mais aussi de montrer l’exemple en tant que collectivité publique.

On peut s’inspirer de Saumur. Cette commune de 27 000 habitants s’efforce depuis 2007 de n’éclairer la ville que lorsque cela s’avère réellement nécessaire : l’éclairage public y est éteint à partir de 1 h du matin (dès 23 h dans les parties rurales et sur certains axes routiers) jusqu’à 6 h. L’éclairage des monuments historiques est également limité à la période estivale. À la clé ce sont de nombreux bénéfices, tant sur le plan environnemental qu’économique : ces mesures auraient permis de diminuer la consommation énergétique des services publics de la ville de 50 %, soit une économie de plus de 80 000 euros par an, selon Anne-Marie Ducroux de l’ANPCEN, et ce, sans noter d’accroissement de la criminalité, argument régulièrement invoqué contre les mesures d’extinction de l’éclairage.

À Toulouse, selon l’astrophysicien toulousain Sébastien Vauclair, qui a donné une conférence passionnante en juin dernier au Quai des Savoirs sur le sujet, les collectivités locales dépensent en éclairage nocturne l’équivalent de 41 % de la facture de l’éclairage public. Selon son calcul cela représente près de 4 millions d’euros par an pour la ville de Toulouse.

Alors quel ciel nocturne voulons-nous pour notre ville ? Toujours d’après Sébastien Vauclair, « quelqu’un qui a une vue normale peut observer jusqu’à 2 000 étoiles la nuit. Avec le halo lumineux qui recouvre la ville de Toulouse, on peut à peine en distinguer plus d’une quinzaine ». Quelle voûte céleste allons-nous laisser aux générations futures ? Vivront-elles dans la nostalgie de la lumière des étoiles ? Ne verront-elles la nuée blanche de la Voie lactée qu’à travers des films aussi merveilleux que celui de Patricio Guzman ? L’imagineront-elles dans les pages des livres d’un Auguste Blanqui qui ne supportait sa condition carcérale que par l’éternité qu’il trouvait dans les astres ?

Regarder les étoiles, les voir, y accéder, pose en réalité la question des modes de consommation de nos villes, de la préservation de l’environnement mais aussi celle de notre patrimoine humain et universel. Celui des premiers peuples cherchant leur étoile polaire pour se repérer et avancer, celui de l’histoire philosophique, poétique, artistique, scientifique.

Refaire communauté

15 ans de vie à Toulouse et 10 ans d’engagement au Droit Au Logement m’ont permis peu à peu de penser la ville et son évolution. Ce n’est pas une surprise, je ne m’inscris pas dans le projet du Maire de Toulouse pour notre ville, celui en Une de l’actuelle déclinaison locale du magazine Le Point, celui qui vise à faire de notre ville un copié-collé de ces métropoles qui se ressemblent toutes. Ce que nous déplorons n’est pas que le Maire de Toulouse fasse évoluer Toulouse, c’est le fait qu’il anéantisse ce qui fait Toulouse, ce qui lui a donné et lui donne corps et signification, la vie en commun. Au fond ce dont rêve Jean-Luc Moudenc, c’est d’une ville sans caractère, aseptisée, un petit Bordeaux, assimilée à une réserve foncière et immobilière pour les investisseurs parisien-ne-s et les touristes d’affaire fortunés.

Cette vision est contraire à l’idéal humaniste qui nous habite, au dessein d’égalité et de liberté que nous poursuivons. Dès lors, pour éviter la catastrophe écologique et sociale vers laquelle contribue à nous amener Jean-Luc Moudenc, nous devons reconquérir le pouvoir et nous réapproprier ce qui nous appartient : notre ville et son avenir. Toulouse souffre depuis trop longtemps d’être défaite, fracturée, entre ses quartiers, entre ses habitant-e-s. Notre plus grand défi est donc de « refaire communauté ».
La communauté c’est nous, toutes celles et ceux qui ont fait vœu de vivre, ensemble, à Toulouse. Elle exprime le rapport au commun et à la solidarité, la réciprocité de ce qui nous relie toutes et tous en droits, et le rappel de notre appartenance à une nature englobante. Refaire communauté, c’est retisser les liens qui nous unissent, ceux de l’entraide, de l’hospitalité et de la générosité, de l’action face à l’urgence climatique, des prises de décisions collectives, de l’accès aux besoins fondamentaux, du temps nécessaire à la vie qui associe (une partie de foot, préparer un repas de famille, aller au parc avec les enfants, cultiver un jardin partagé etc.). Refaire communauté, c’est prendre soin de nos ancien-ne-s, c’est créer une ville enfin inclusive et protectrice pour celles et ceux qui se sentent laissés de côtés, abandonnés.

Aujourd’hui Toulouse n’est plus une communauté, elle est malheureusement inégalement et injustement morcelée, la grandeur de son histoire en est ainsi bafouée.
Jean-Luc Moudenc poursuit en effet depuis trop longtemps une politique à destination de quelques-uns à défaut de tou-te-s les autres, séparant les populations, les ghettoïsant selon leur condition économique. Alors que la planète brûle, il continue d’engager des grands projets énergivores aux modèles économiques et aux finalités socio-économiques discutables, et imposés aux habitant-e-s : La Tour Occitanie, TESO, La Grave, le nouveau Parc des Expositions et bien d’autres. Ces projets excluent les classes moyennes et les plus pauvres, déconsidérés, en périphérie voire dans d’autres villes limitrophes. Les résultats sont déjà là, les inégalités territoriales et la précarité explosent, la gentrification s’accélère, la situation écologique (pollution, ilots de chaleur etc.) s’aggrave chaque année.

C’est évidemment à nous d’opposer à la vision mortifère du maire actuel une vision plus émancipatrice pour Toulouse où solidarité et écologie vont de pair, où égalité et démocratie avancent de concert. L’écologie en tant qu’elle est une condition nécessaire à la vie, qu’elle crée un intérêt général commun, que la conscience des nécessités fait aujourd’hui la quasi-unanimité, doit intégralement guider la construction de cette vision. L’écologie doit être une force motrice et populaire, et dessiner une perspective pour la ville. Celle-ci doit inévitablement être complétée par un programme de mesures tangibles, par des projets utiles pour tou-te-s, impliquant de la manière la plus large possible toutes les volontés citoyennes. Tout cela n’est pas facile à construire, tout cela ne se commande pas, rien ne se décrète et tout s’éprouve. Mais la finalité est plus grande que tout et j’espère qu’enfin, nous serons à la hauteur du rendez-vous électoral qui arrive, pour Toulouse.

Car oui, Toulouse peut changer positivement pour ses habitants et la nature en restant cette terre d’accueil, de convivialité, cette ville de science et d’intelligences mise au service du bien commun. Toulouse peut grandement évoluer en restant elle-même, fidèle à son histoire et ses aîné-e-s qui ne sont pas un décor mais une empreinte éternelle, à un récit qui lui fait honneur et lui rend l’étendue de sa fierté.

Toulouse a toutes les forces et les énergies pour être une ville avant-gardiste en matière de transition écologique, en matière d’esthétique urbanistique autrement que par des tours d’un autre temps, pour restituer leur présence, leur voix et protéger les oublié-e-s des politiques de mondialisation, de métropolisation et leurs effets.

Au-delà de nos intérêts individuels, de ceux de nos rues, de nos quartiers, nous devons refaire ville et y refaire communauté. Nul n’a intérêt à vivre dans une ville où les tentes de sans-abris fleurissent sur nos trottoirs ; nul n’a intérêt à ce que ses enfants aient des camarades de classe qui n’ont pas accès à un repas les soir car leur mère ne parvient pas à joindre les deux bouts ; nul n’a intérêt à ce que nos ancien-ne-s se privent de soin où ne puissent aller voir leurs ami-e-s moins souvent car les prix des transports en commun ne sont plus accessibles. Nous avons tou-te-s intérêt à vivre dans une ville où les fractures sociales cessent de s’accentuer et puissent véritablement se résorber.

Au final, refonder ce projet commun pour une ville qui appartient à tout le monde, qui assure une égalité sociale et territoriale, qui développe les solidarités, qui mène avec grandeur sa transition écologique, c’est cela qui nous permettra de « refaire communauté ». Il est donc grand temps de reconstruire notre ville avec ambition, responsabilité et dignité.

C’était un samedi

C’était un samedi, c’était un 14 septembre.

Cela devait être un temps fort, une nouvelle étape dans le chemin parcouru depuis près de deux ans par Archipel Citoyen. Mission accomplie.
Près de 600 personnes selon les organisateurs, aucun chiffre à cette heure selon la Préfecture. Des visages connus, dans le milieu politique, associatif, syndical. Mais aussi et surtout beaucoup de visages inconnus, et c’est cela qui est rafraîchissant, des personnes venues par curiosité ou par motivation à changer leur ville, à la réinventer, ensemble.

Après un temps d’accueil, on se retrouve autour d’une vingtaine de tables fléchées par thématiques et puis ensuite par quartiers. Pour ma part j’ai choisi l’une des tables dédiées à l’éducation. La question posée est : comment injecter davantage de démocratie dans les écoles préélémentaires et élémentaires gérées par la ville ? Assez naturellement, la discussion se recentre sur la question des moyens. Évidement. Des parents témoignent du manque de rénovation de l’école de leurs enfants, des ATSEM qui ne sont pas suffisamment considérées, de l’augmentation des prix de la cantine et des CLAE, du manque de place en crèche aussi, le manque d’accès au soin de certains enfants…

Le bilan de la municipalité n’est pas la hauteur, des personnels et enseignants en témoignent également à notre table. J’y reviendrai sûrement dans une prochaine publication.

La discussion est à bâton rompue, y compris lorsqu’elle revient sur la question de la participation des parents d’élèves et de ces derniers eux-mêmes. On évoque ici le démantèlement des collèges de la Reynerie et de Bellefontaine, là on se moque des réunions annuelles avec la « communauté éducative » qui sont souvent des faire-valoir plus qu’une réelle volonté d’implication des parents d’élèves. De des constats émergent des propositions concrètes, nombreuses, et parmi elles, le fait de mettre en place une plateforme où les parents et les élèves pourraient enregistrer leurs demandes à la mairie, donner plus de poids au Conseil Municipal des Enfants déjà existant, établir un « pass culture » pour tous les pitchounes.

De ce foisonnement d’idées toutes intéressantes et à préciser, j’en retiens une qui me semble particulièrement pertinente : la mise en place de budgets participatifs par école. Bien entendu, ceux-ci ne prendraient pas en charge l’investissement essentiel pour l’amélioration des conditions d’éducation de nos pitchounes (rénovation et construction des écoles, ouverture de crèches, cantines et goûter gratuits, rémunération du personnel…), mais pour qu’enfin des choix pédagogiques soient effectués, « pour de vrai », par toute la « communauté éducative » elle-même. Ainsi, sur un temps mensuel à déterminer, il serait souhaitable de permettre aux personnels enseignants, aux élèves et aux parents de choisir où orienter le budget alloué : sorties scolaires spécifiques, jardin potager…Une idée à approfondir dans les semaines à venir, mais qui pourrait enfin ouvrir une brèche là où les parents peuvent aujourd’hui avoir du mal à trouver leur place dans l’École.

Ce premier « round » de discussion est suivi d’interventions toutes très enrichissantes de Françoise Fize membre de La Belle Démocratie, Rhany Slimane qui anime Nous sommes Montpellier, et Joseph Spiegel maire de Kingersheim. Que nous disent-ils ? Qu’il faut battre en brèche les complexes d’infériorité des habitant-e-s qui pensent que la politique, ce n’est pas pour eux. En ce sens il nous faut continuer l’effort d’élargissement et d’inclusion entrepris ce samedi. Qu’il faut désacraliser la posture de l’élu-e, ne pas faire de l’expérience politique ou mandataire un va tout inébranlable mais bien ouvrir cette expérience au plus grand nombre. Rompre avec la grandiloquence à laquelle on assigne sans cesse la présence de l’élu-e : coupé de cordon, grands discours qui tournent en rond. Mais surtout donner du pouvoir de décision aux habitantes et habitants, un espace et du temps pour cela.

Leurs témoignages donnent un nouveau souffle, si tant est qu’elle en avait besoin, à la journée.
Pour la conclure, je me retrouve à la table correspondant au secteur au sein duquel je vis : « Rive gauche », nous sommes une trentaine, nous convenons d’ores et déjà d’une rencontre dans les jours qui suivent, pour parler de nos quartiers, de notre ville et décider de ce que nous devrons faire.

Cette journée aura permis ce qu’il y a un an encore semblait difficilement envisageable, la rencontre entre des personnes et des groupes ayant des cultures et des pratiques différentes. Pourvu que notre envie pour Toulouse soit plus forte que ces différences et qu’elle nous permette de changer notre ville.

Dans ce cas, on se souviendra bientôt qu’il y eut une étape importante un 14 septembre, une de ces journées où le soleil de l’été refuse de s’en aller. C’était un samedi et tout le monde disait : c’est bon, on est lancé !