Où il est question d’artificialisation des sols, du logement social dévoyé, du refus de maîtriser les prix des loyers, de La Grave, de la Garonne, du Mirail, de mixité sociale.
Ce 14 octobre 2021 se tenait le Conseil Métropolitain de rentrée dont le programme fut chargé : transports, écologie, stratégie foncière, culture… Nous vous proposons ici de nous arrêter sur un des chapitres, et pas des moindres, concernant le « Pacte pour l’Habitat » pour comprendre comment les choix politiques ont des répercussions sur la vie des habitant.e.s de la Métropole.
Ce Pacte a été mis en place suite à l’annulation du PLUI-H (Plan Local d’Urbanisme Intercommunal de l’Habitat). Une annulation qui fait écho à celle d’un autre document structurant pour les politiques à l’échelle de la métropole, singulièrement en matière de transport : le PDU (Plan de Développement Urbain).
Le PLUI-H régit les règlemente l’urbanisme dans les 37 communes et les 46 000 hectares de la Métropole. C’est lui qui donne aussi les grandes impulsions en matière d’Habitat. Il est donc important pour déterminer les moyens mis en place afin de faire en sorte que chacun, quelque soit ses revenus par exemple, puisse trouver à se loger.
Son annulation alors qu’il avait été adopté en avril 2019 a été vécue comme un coup de tonnerre, y compris par le Maire de Toulouse et Président de Toulouse Métropole, Jean-Luc Moudenc, qui a même dénoncé « une décision qui piétine la volonté du peuple » de la part du Tribunal, rien que ça. Pourtant dans ce PLUI-H, une partie dudit peuple était mise de côté, nous y reviendrons. Il est notable par ailleurs que si le PLUI-H a été annulé c’est raison de sa mauvaise copie écologique. Particulièrement car il ne modérerait pas suffisamment la consommation des espaces naturels agricoles et forestiers, et ne contrôlerait pas suffisamment l’étalement urbain à l’échelle de la Métropole.
La récente inauguration du nouveau Parc des Expos, le MEET, est un bon exemple de cette artificialisation débordante des sols avec pas moins de 700 000 m3 de terre déplacées, soit l’équivalent d’un an de terrassement sur toute l’agglomération toulousaine et l’utilisation de 9 000 camions toupies qui ont déversé des tonnes de béton.
Tout cela pour un résultat qui si on en croit les observateurs extérieurs s’avère surdimensionné, périmé et surtout très énergivore puisque les promoteurs vont bientôt encore artificialiser 25 000 hectares autour du MEET.
Des qualificatifs que les premiers usagers ont pu constater comme en atteste le témoignage éloquent d’une exposante paru récemment dans un journal local : « Ce que je ne comprends pas, poursuit-elle, c’est que le stationnement soit payant, alors que le Parc-Expos a été justement construit à l’extérieur de Toulouse sur un site immense et que l’on est obligé de prendre sa voiture pour s’y rendre quand on n’habite pas dans un endroit desservi par les transports en commun. Et le comble, c’est que jeudi, c’était le salon des demandeurs d’emploi qui en ont été de leur poche. Ce n’est pas très cohérent ».
S’il était concevable de souhaiter un autre Parc des Expositions pour la métropole toulousaine, celui-ci ne s’annonce pas sous les meilleurs auspices. Pourtant c’est pas moins de 310 millions d’euros d’argent public qui y ont été dépensé, dont 200 de la Métropole, qui aurait pu être investis dans la construction de logement social par exemple, ou encore dans la rénovation thermique et phonique des logements comme nous le verrons plus bas.
Avec le MEET nous avons l’exemple concret d’un aménagement qui entre dans le cadre des reproches mentionnés par le Tribunal pour motiver sa décision d’annuler le PLUI-H. Même si un appel est en cours devant la Cour Administrative de Bordeaux, il est très incertain qu’il aboutisse. Il fallait donc pour la Métropole rectifier le tir autant que cela soit possible en proposant un nouveau document cadre avec ce « Pacte pour l’Habitat » afin de donner des orientations, qui ne font pas office d’engagements, aux 37 communes.
Dès lors on pouvait espérer que ce Pacte répare les erreurs qui avaient été commises par le passé notamment en matière de logement social. En effet, si l’on peut se satisfaire que sur l’objectif de 7 000 logements construits par an, 35 % de logement doivent être sociaux, il faut rappeler que c’est tout simplement car beaucoup de communes doivent rattraper leur retard sur les lois SRU et Alur qui impliquent de disposer de 25 % de logements sociaux à l’horizon 2025.
Or le logement social a été utilisé, et nous verrons qu’il l’est et le sera encore, par Toulouse Métropole non pas comme un moyen de donner un logement à celles et ceux qui en ont le plus besoin, mais pour créer un nœud d’engorgement notamment sur Toulouse et permettre la gentrification de la ville rose voulue par M. Moudenc.
Pour bien saisir la situation il faut avoir en tête que suite aux réformes successives du logement social, il existe aujourd’hui trois grands types de logements sociaux selon les ressources des demandeurs : PLAI, PLUS, PLS. Voici comment est défini chacun par le groupe Action Logement par exemple :
PLAI : Le logement PLAI permet aux personnes rencontrant des difficultés économiques et sociales de se loger.
PLUS : Dispositif le plus majoritairement utilisé par les bailleurs sociaux, le logement PLUS répond à l’objectif de mixité sociale.
PLS : Le logement intermédiaire est principalement destiné aux classes moyennes, il est attribué aux familles dont les revenus sont trop élevés pour pouvoir accéder aux locations HLM, mais trop bas pour pouvoir se loger dans le secteur privé.
Voici un tableau qui indique les seuils de ressources annuelles dans les autres régions que l’Ile-De France (avec les quatre premières catégorie de ménages sur les sept existantes).
|
PLAI
|
PLUS
|
PLS
|
1 personne seule
|
11 531
|
20 966
|
27 256
|
2 personnes sans personne à charge à l’exclusion des jeunes ménages ou une 1 personne seule en situation de handicap
|
16 800
|
27 998
|
36 397
|
3 personnes ou 1 personne seule + 1 à charge ou jeune ménage sans personne à charge ou 2 personnes dont au moins 1 en situation de handicap
|
20 203
|
33 670
|
43 771
|
4 personnes ou 1 personne seule + 2 à charge ou 3 personnes dont au moins 1 en situation de handicap
|
22 479
|
40 648
|
52 842
|
Une fois ces données intégrées il conviendrait donc que la puissance publique produise les typologies de logements sociaux selon les ressources de demandeurs. Hélas c’est tout le contraire qui se produit sciemment de la part de Toulouse Métropole comme cela fut montré dans un rapport que nous avions publié avec le Droit Au Logement 31 en étudiant les chiffres communiqués. Ainsi en 2017, 29 000 demandes de logement social étaient en cours, le tableau ci-dessous montre le pourcentage de demandeurs selon les ressources et l’offre qui est alors proposée :
|
PLAI
|
PLUS
|
PLS
|
Pourcentage de demandeurs éligibles
|
75 %
|
20 %
|
5 %
|
Production de Logements sociaux
|
29 %
|
50 %
|
21 %
|
Ce décalage voulu entre la demande et l’offre montre de manière limpide comment plus vous êtes pauvres et demandeur de logement social, moins vous avez de chance paradoxalement d’y accéder.
Le manque de logements très sociaux (PLAI) est d’ailleurs reconnu dans le nouveau « Pacte d’Habitat » et suite aux nombreuses interpellations, on note que la Métropole fait un petit pas en demandant à ce que désormais l’offre en logements très sociaux passe de 30 à 40 %.
Cela reste néanmoins très loin de la demande, au contraire l’offre en logements très sociaux aurait dû être d’autant plus importante et volontariste, que la demande en logements sociaux a explosé de 31 % en moins de 5 ans pour passer à 38 000 demandeurs sur Toulouse Métropole. A titre de comparaison, la demande nationale a augmenté elle de 20 % en 8 ans. Nous sommes donc dans le rouge, et cette forte demande s’explique aussi par la volonté de ne pas encadrer les loyers, nous y reviendrons.
Avant cela, faisons un gros plan sur une récente opération immobilière qui montre que les objectifs affichés par le « Pacte d’Habitat » ne résistent pas aux actes concrets :parlons de La Grave. Ce site exceptionnel situé dans le quartier de Saint-Cyprien, avec une Histoire de solidarité et d’hospitalité liée aux réfugié-e-s de la Retirada, est depuis quelques mois en travaux pour accueillir une résidence de luxe signé par une société immobilière incontournable à Toulouse : Kaufmann and Broad. Cette résidence se construit sur les ruines de l’ancien Institut Claudius Regaud, destiné aux personnes souffrant du cancer, qui était un bâtiment hospitalier récent, viable, détruit en pleine crise sanitaire, après que le CHU, dont M. Moudenc est le président du Conseil de Surveillance, l’ait bradé au promoteur.
Y sont annoncés des duplexs à 1,6 millions d’euros avec vue sur le dôme de La Grave et sur la Garonne ainsi qu’un hôtel de luxe. Les associations de santé, d’habitants, pour le droit au logement se mobilisant contre le projet qui participe à la gentrification en cours du quartier Saint-Cyprien, la Mairie s’est vue contrainte d’annoncer qu’il y aurait également du logement social dans le programme immobilier, sans que l’on sache pendant longtemps quels types de logements sociaux devaient y être produits.
Un récent article de La Dépêche met fin au suspense et nous apprend récemment que c’est finalement pas moins de 113 logement sociaux sur les 226 appartements prévus. Miracle se dit-on, enfin une politique volontariste en matière de logement social et de mixité sociale dans un quartier de plus en plus cher. Hélas l’étude sérieuse des chiffres dégonfle cette annonce. Voici les chiffres que nous nous sommes procurés après une question à l’Adjoint au Logement de Toulouse, M. Serp :
Dès le départ nous apprenons que sur les 113 logements sociaux il faut déjà en retirer 27 qui sont en réalité en accession à la propriété directe.
Il nous en reste donc 86 dont voici la répartition :
Bailleurs sociaux
|
PLS en Usufruit Locatif Social
|
PLS
|
PLAI
|
Promologis
|
33
|
11
|
0
|
Touloulouse Métropole Habitat
|
22
|
14
|
6
|
Sur cet ensemble de 55 sont donc prévus en « Usufruit Locatif Social ». L’Usufruit Locatif Social qu’est ce que c’est ? C’est le même dispositif qui a été choisi par la Métropole pour brader il y a quelques années le bâtiment Fidelio de 5 500 m² en plein centre ville à Adim, une filiale de Vinci.
C’est un dispositif qui repose sur le principe du démembrement temporaire de propriété sur une période de 15 à 20 ans. Un investisseur acquiert la nue-propriété d’un bien à un prix décoté, tandis que son usufruit est cédé à un bailleur institutionnel. La pleine propriété se reconstitue sans formalités ni frais au terme du contrat. L’investisseur peut dès lors vendre, louer ou occuper son bien.
Le site « Chasseur d’Immo » nous expliquait en 2016 les avantages pour les investisseurs : « c’est un des outils de défiscalisation les plus intéressants, Si l’investisseur est de plus concerné par l’ISF, il peut y soustraire cet appartement, sans oublier l’exonération de la taxe foncière. On peut obtenir un décote du prix de l’appartement allant jusqu’à 40 %. En cas de revente, l’impôt sur la plus-value sera amorti grâce à cette décote et la TVA fixée à 5,5 %. Cet outil de défiscalisation offre de nombreux autres avantages économiques comme le déchargement du propriétaire dans tout ce qui est relatif à la gestion courante de l’appartement : remise en l’état (même à la fin de l’usufruit), entretien ou encore recherche de futurs locataires. »
Bref, 55 logements annoncés comme sociaux tomberont, on le comprend aisément, dans l’escarcelle du marché privé et de la spéculation locative d’ici 15 ou 20 ans (nous n’avons d’ailleurs à cette heure toujours pas eu de réponses sur la durée des conventions).
Reste donc 31 logements pouvant être encore qualifiés de sociaux, soit 13 % du parc des 226 appartements, deux fois moins que les 25 % d’objectif de la loi SRU. Ce manque de logements sociaux sur ce programme devra donc être compensé ailleurs à l’avenir.
Penchons nous maintenant sur leur typologie, en admettant d’intégrer les logements prévus en « PLS usufruit locatif social », soit au total 86 logements, sachant que la demande n’a pas évolué aux dernières nouvelles (nous avons demandé les chiffres récents à la Commission Habitat non communiqués à cette heure).
|
PLAI
|
PLUS
|
PLS et PLS usufruit Social
|
Demandeurs
|
75 %
|
20 %
|
5 %
|
Offre
|
7 % (6 logements)
|
0 %
|
93 % (80 logements)
|
On a ici un exemple éloquent de comment les typologies de logement sociaux sont utilisées pour éliminer les demandeurs les plus pauvres. Il est d’ailleurs étonnant que l’on ne compte aucun logement en PLUS dans le programme, et révélateur que seulement 7 % des logements proposés soient du PLAI (logement très social) alors que la demande est de 75 % et que le récent « Pacte pour l’Habitat » annonce vouloir porter l’offre de ce type de logement à 40 %.
Il est également à noter qu’aucune garantie n’est apportée par les bailleurs, à notre connaissance, sur un engagement visant à ne pas vendre les 31 « vrais » logements sociaux dans les années à venir. En effet, les bailleurs HLM ont désormais avec la Loi Elan obligation de vendre 1 % de leur parc de logements par an pour obtenir des rentrées d’argent. Il existe aujourd’hui clairement un risque que les logements sociaux vendus dans le cadre de ce 1 % obligatoire soient ceux étant dans des zones où les prix du foncier sont les plus onéreux permettant ainsi aux bailleurs de s’assurer une vente plus fructueuse, et par là même de voir s’amoindrir les logements sociaux dans des quartiers huppés et donc y entacher la mixité sociale.
Cette politique de gentrification par le logement social s’accompagne à Toulouse Métropole d’une volonté butée de ne pas encadrer les loyers.
Cela alors que d’après l’indice CLAMEUR mis en place par les professionnels de l’immobilier, les loyers ont augmenté de 40 % en 15 ans à Toulouse et de 12 % rien que ces trois dernières années. Récemment encore le site PAP publiait une étude réalisée à partir de 14 754 dossiers locataires remplis entre le 1er et le 15 juin 2021 et comparés à la même période en 2020 et 2019. En bref, le loyer a augmenté dans une proportion significative depuis deux ans. Le site immobilier estime qu’actuellement à Toulouse, le loyer moyen d’un studio (charges comprises) est de 491 euros, soit une hausse de 1,9 % depuis l’année dernière. Les charges liées constituent plus de la moitié des dépenses des étudiant.e.s et de nombreux habitant.e.s aujourd’hui.
Malgré ce constat et les témoignages qui affluent de personnes qui galèrent à trouver un logement, le Président de Toulouse Métropole, Jean-Luc Moudenc reste arc bouté sur sa position. Il est notable toutefois d’observer qu’il se faisait il y a encore quelques années un farouche opposant à la mesure, mais qu’il est plus mal à l’aise aujourd’hui sur sa position.
Ce qui est plus surprenant c’est que dans cette croisade contre la maîtrise des loyers, M. Moudenc a trouvé comme alliée sa Vice-Présidente à l’Habitat, Mme Traval Michelet, maire PS de Colomiers. Celle-ci, comme son prédécesseur En Marche M. Biasotto, a ainsi justifié le fait de ne pas candidater à l’encadrement des loyers proposé par le Ministère car la collectivité ne répondrait à aucun des critères proposés, sachant qu’il suffisait pourtant d’en cocher un seul des suivants pour candidater :
– Ecart important entre les loyers du secteur public et du secteur privé.
– Niveau de loyer médian élevé dans le privé.
– Faible taux de logements construits dans les 5 dernières années.
– Perspectives limitées de production de logements dans les règles de construction.
Un refus qui a surpris jusque la Ministre déléguée au Logement, Emmanuelle Wargon, elle même. Effectivement il était possible, comme suggéré dès septembre 2020 lorsque nous avons déposé un vœu en ce sens avec le groupe Archipel Citoyen, d’entrer dans le critère du « Niveau de loyer médian élevé dans le privé ».
Il est à noter au passage qu’avec la crise sanitaire et le plantage du PLUI-H, nous devrions pouvoir également étudier sérieusement les critères 2 et 3 afin de savoir si la collectivité est désormais concernée.
Pour ce qui est du “Niveau de loyer médian”, il varie selon les différentes structures qui observent les loyers, prenons donc les mesures de la collectivité elle même, bien qu’inférieures à celles d’autres observatoires, pour en juger. Elle affirmait ainsi que le loyer médian à Toulouse était de 11,1 euro au m², et faisait le travail du Ministère à sa place en prétendant que ce niveau de loyer était trop bas, car inférieur à ceux de Paris, Lyon et Montpellier, pour être retenue.
Pourtant avec un niveau de loyer médian égal ou inférieur, Bordeaux et Grenoble qui candidatèrent furent elles retenues…
Le choix de Mme Traval-Michelet détonne de celui d’autres maires PS qui se sont illustré.e.s positivement sur ce dossier. Celle-ci a même déclaré que « les résultats de l’encadrement des loyers à Paris ne sont pas probants » lors du Conseil de Toulouse Métropole du 14 octobre dernier… Si l’on peut souhaiter qu’effectivement l’encadrement des loyers soit plus offensif vue la montée des prix de ces dernières décennies, de nombreuses analyses comme celle de Manuel Domergue, Directeur d’Etudes à la Fondation Abbé Pierre, montre que cette mesure est belle et bien positive. Tant et si bien que l’on finit par se demander si le refus de Mme Traval-Michelet d’encadrer les loyers est moins lié au « Pacte de Gouvernance » passé avec M. Moudenc à la Métropole en début de mandat, qu’à une réelle complicité idéologique sur le sujet avec ce dernier.
L’idéologie de M. Moudenc est d’ailleurs intéressante à citer pour comprendre pourquoi nous sommes enlisé sur le sujet. M. Moudenc croit au fameux « choc de l’offre » qui grâce à de la construction massive ferait augmenter l’offre et baisser selon lui le prix des loyers. Une solution pourtant utilisée pendant des décennies sans grand succès. D’ailleurs s’il souhaitait s’attaquer à la rareté du logement il serait bienvenue de mettre sur le plan de travail la manière dont la puissance publique pourrait remettre sur le marché les plus de 23 000 logements vacants (8,1 % du parc de logement de la ville) et les 220 000 m² de bureaux eux aussi vacants à Toulouse selon l’INSEE.
Cela au lieu de les laisser dans les mains, pour une grande partie d’entre eux, de grandes sociétés qui spéculent sur la rareté du logement. Un mécanisme qu’a été étayé de manière remarquable par Leilani Farah, Rapporteuse Spéciale sur le Droit à un Logement Convenable à l’ONU. Enfin comme on l’a vu avec le logement social et le prix des loyers, un choc de l’offre qui ne répond pas à la demande, y compris concernant les typologies familiales, a toutes les chances de ne pas trouver sa demande…
Cette stratégie de l’offre est surtout une manière de répondre sans réserve aux demandes des lobbys du BTP, dont on sait que plusieurs élus locaux y sont sensibles comme l’a montré récemment un article dans Le Monde « Restaurants clandestins : les dîners presque parfaits du Club TP90 ». Il faut se souvenir également de l’événement « Toulouse 2030 » qui avait déroulé sur la place du Capitole le tapis rouge aux promoteurs et avait fait couler beaucoup d’encre. Le leit motiv de l’événement étant de faire de Toulouse « une ville du tourisme d’affaire », un crédo que l’on retrouve d’ailleurs dans le lunaire livret de présentation du nouveau Parc des Expositions, le MEET, et dans la présentation par son promoteur de la future Occitanie Tower, devenue Tour d’Occitanie exemptée quand à elle totalement de logement sociaux.
S’il est évident qu’il faut travailler avec les promoteurs, c’est à la collectivité d’impulser des orientations et non l’inverse. L’argent public mis dans le MEET par exemple que nous citions plus tôt aurait pu être injecté dans une filière innovante de rénovation thermique et phonique des bâtiments créant une chaîne vertueuse entre recherche, formation et création d’emplois.
Ce qui aurait pu être entrepris notamment sur l’immeuble Messager à la Reynerie au Mirail. Un immeuble dont parle la jeune réalisatrice toulousaine, Meryem-Bahia Barfaoui ayant reçu le Grand Prix du Jury dans le cadre du concours « Et pourtant elles tournent » d’Arte pour son court-métrage « Les splendides ». Ce film, qu’on recommande, donne la parole à plusieurs jeunes filles qui parlent justement de la démolition de leur quartier sans que l’avis des habitants n’ait été pris en compte. La barre Messager est pourtant un bâtiment viable, dans lequel plusieurs locataires et co-propriétaires se sont mobilisés pour pouvoir rester. Ce bâtiment comptant 260 logements et patrimoine architectural de l’école Candilis, pourrait être un symbole avec d’autres de la rénovation des logements tout en y incluant des services publics efficients.
Au lieu de quoi sur l’autel de la « rénovation urbaine » la Métropole vient de voter lors du dernier Conseil sa participation à sa démolition par la voix de Gaëtan Cognard, élu métropolitain délégué à la Politique de la Ville. L’argument : la rénovation coûte chère… Certes, mais elle est réalisable et aura un prix certainement moindre que celui de la reconstruction de logements pour les habitants qui y vivaient et souhaitaient y rester. Ce type d’opération urbaine est aujourd’hui d’autant plus discutable lorsque l’on a pas l’aval des habitants, et au regard de la crise climatique. En effet le déplacement d’habitants implique des constructions plus loin pour qu’ils puissent trouver à se loger à prix décent et donc renforce l’étalement urbain, contre lequel la Métropole doit pourtant lutter, et implique un coût carbone élevé. Une situation bien expliquée par mon collègue Jamal El Arch dans son intervention au dernier Conseil Métropolitain à retrouver bientôt en lien ici.
Un argument donné pour ces déplacements de population est la « mixité sociale », mot valise qu’on entend depuis des décennies. Il est notable que pour assurer celle-ci c’est toujours qu’aux habitants des quartiers populaires de se déplacer et de quitter leur logement bon gré mal gré, et que si des tentatives sont faites pour amener des populations plus « aisées » dans les quartiers, aucun effort n’est effectué par contre pour amener les habitants les plus modestes dans les quartiers du Centre-Ville.
On a parlé de La Grave à Saint Cyprien, on peut conclure en rappelant l’exemple d’un bâtiment situé de l’autre côté de la Garonne, le Quai Saint-Pierre à deux pas de la fameuse place du même nom et du bar bien connu du bouclier de Brennus « Chez Tonton ».
Originellement destiné à accueillir des locaux de l’Institut d’Etude Politique, ce beau bâtiment de 4 500 m² a été vendu sous l’impulsion de M. Moudenc par l’Etablissement Public Foncier Local en 2014. L’heureux acquéreur est alors le groupe immobilier “Thierry Oldak” qui achète le bien pour 4,75 millions d’euros, annonçant vouloir faire une résidence standing pour “seniors”.
Finalement après huit années, on apprend dans un article de La Dépêche que le groupe “Thierry Oldak” a changé de projet pour faire des appartements grands standing réservés à des particuliers. Un projet qu’il est en passe de céder à une autre société immobilière, la Cogedim, pour 11 millions d’euros.
Pendant 8 années ce bâtiment est donc resté vide dans notre ville alors que le nombre de sans-abris ne cesse d’augmenter. 8 années durant lesquelles, à son échelle, la vacance de ce bâtiment a participé de la rareté du logement et donc à l’augmentation des prix. Un bien public livré à un promoteur qui a réalisé une spéculation de 6 millions d’euros en le laissant vide…
Ce bien aurait pu être utilisé justement pour faire du logement social en centre-ville, où il y en a de moins en moins, afin de participer aussi à la mixité sociale.
Un affaire symptomatique des limites de la politique de l’offre et du manque d’anticipation et de volonté de Toulouse Métropole d’agir sur les prix des loyers et du foncier.
Les raisons de la galère pour trouver un logement sont là en grande partie. Elles sont évidemment également à chercher dans la politique menée par le gouvernement de M. Macron, cela mériterait un long exposé sur lequel nous essaierons de tabler bientôt..
Dessin: Claire Le Gal