François Piquemal

Samuel Paty

Ce matin nous pouvons mettre un nom et un visage sur l’homme qui a été assassiné hier par un fanatique religieux. Des pensées émues pour la famille et les proches de Samuel. 
 
Nous avions le point commun d’être professeur d’Histoire-Géographie, mais aussi de ce que l’on nomme aujourd’hui l’Education Morale et Civique. Une matière souvent négligée par le temps que l’on nous confie à l’enseigner.
 
Ainsi M. Blanquer a fait diminuer tous les temps d’enseignement général en Lycée Professionnel, dans la logique lancée depuis quelques années maintenant d’amener plus vite nos jeunes sur les marché du travail. Ce choix du marché du travail le plus vite possible se fait forcément au détriment de la formation intellectuelle de nos élèves, citoyen-ne-s de demain.
 
La tolérance, l’esprit critique, la réflexivité sont un apprentissage. Elles ne sont pas innées, elles s’acquièrent par l’échange, savoir exprimer ses désaccords dans un cadre commun.
Nous donne t-on les moyens et le temps nécessaires d’y travailler? La réponse est clairement non.
 
A fortiori lorsque l’on permet en primetime sur les plateaux que des gens condamnés pour provocation à la haine raciale et véhiculant clichés racistes sur cliché racistes puissent s’exprimer sans limites.
 
J’ai pu observer dans mes classes comment les tabous liés aux expressions intolérantes en tout genre tombent l’un après l’autre. Récemment encore un élève ayant tenu des propos racistes nous expliquait qu’après tout “des gens très bien disaient la même chose sur CNews”…
 
Cela ne sert à rien ensuite de faire des incantations autour de valeurs morales la “Liberté d’expression”, la “laïcité”, la “tolérance”, si notre société est incapable de créer des lieux et des temps pour instruire ses citoyens sur ces sujets.
 
En outre, on ne combat pas Daesh et son idélologie en lui faisant la morale. On le combat ici en le déconstruisant intellectuellement et en redonnant davantage de moyens aux associations, à l’éducation populaire, en remettant une police de proximité, des services publics, des moyens plus importants à nos services de renseignements. Bref en remettant du lien humain partout pour savoir repérer et anticiper les dérives de celles et ceux pouvant être attirés par cette idéologie. Pour savoir mieux vivre ensemble simplement.
 
On le combat là bas en soutenant logistiquement celles et ceux qui luttent contre l’islamisme intégriste en promouvant une société émancipée, notamment le peuple kurde.
 
Pour finir je voudrais avoir une pensée pour mes ami-e-s musulman-e-s, qui sont parmi les premières victimes du fondamentalisme islamisme. Victimes là bas bien sûr, mais victimes ici aussi. En effet depuis hier soir on voit sur les réseaux sociaux se dessiner le chemin vers l’amalgame habituel: terroriste islamiste=Islam= musulmans dans leur ensemble.
 
Ce raccourci intellectuel est un problème que doivent subir l’immense majorité des musulman-e-s de France qui sont des gens participant tout autant au développement de notre pays que les autres. Les voici à devoir supporter que des individus barbares salissent leur religion par leurs actes, et à se se voir ensuite assimilés à ces sinistres personnes.
 
Rappelons le: derrière chaque guerre de religion se cache un objectif politique. Celui des islamistes fondamentalistes est su, connu et affiché: provoquer la tension dans nos sociétés pour nous monter les uns contre les autres.
 
La meilleure réponse à leur apporter est de ne pas rentrer dans ce jeu. De ne pas ajouter de la tension à la tension, mais au contraire de l’apaisement. Cela ne peut se faire qu’en se parlant et s’écoutant, en partageant des valeurs mais aussi ce que nous produisons en commun.
 
C’est à cela que doivent travailler les pouvoirs publics s’ils veulent être conséquents pour lutter contre tous les fondamentalismes religieux et les idéologies de l’extrême droite.
 
L’amour des siens ce n’est pas la haine des autres.